Fin mars, l’Italie a fait parler d’elle en soumettant au Parlement une loi accordant un « congé menstruel » aux femmes souffrant de règles douloureuses. Original, révolutionnaire ? Pas vraiment. Le concept est déjà voté et appliqué depuis janvier 2017 au-delà des frontières européennes, en Zambie.
On a peu l’occasion de parler de la Zambie, petit pays de quinze millions d’habitants au sud du continent africain. Pourtant, c’est avec panache qu’elle a débuté l’année 2017, en adoptant une réforme laborale originale qui, bien que très beau commentée ailleurs, a fait couler beaucoup d’encre à l’intérieur de ses frontières. Le gouvernement vient en effet d’autoriser les femmes à prendre un jour de congés par mois, sans condition ni préavis. Dans ce pays où la question les menstruations féminines est encore taboue, la mesure fut sobrement intitulée « le jour des mères » bien qu’elle concerne toutes les femmes.
Dans les faits, le nouveau droit est peu conditionné. La salariée n’a à fournir ni certificat médical ni arrêt de travail, et peut appeler son employeur le jour-même pour prévenir de son absence. Ce dernier n’est pas en mesure de refuser. En revanche, comme pour un arrêt maladie français, un contrôle peut être effectué pour vérifier la validité du motif d’absence. En cas d’abus, l’employée peut être renvoyée.
Mais comment vérifier la validité d’un tel motif ? C’est là le principal argument des opposants à la mesure, qui estiment que le texte ne précise pas assez les modalités du congé et facilite donc les entorses. Joyce Nonde-Simukoko, la ministre du travail, est pourtant catégorique : « Une femme qui poserait ce congé et serait aperçue en boîte ne saurait bénéficier du Jour des Mères. Elle ne devrait pas même quitter la ville, ni se rendre chez le coiffeur ou au supermarché. Cela justifierait un licenciement. » Reste que le texte de loi est loin d’être aussi clair sur ce qu’il est permis aux bénéficiaires de faire.
Les employeurs regrettent quant à eux le manque de planification. « Votre supérieur avait peut-être une tâche à vous confier, alors une absence soudaine aura forcément de conséquence sur le travail », estime Harrington Chibanda, chef de la Fédération des Employeurs (le Medef local). « Imaginez une petite entreprise dont six ou sept employées prennent leur Jour des Mères en même temps ? Que va-t-il advenir de la productivité ? » A cela, certains dirigeants plus optimistes opposent le développement des nouvelles technologies qui permettent le travail à domicile.
Plus étonnant est l’opposition de certaines femmes à cette mesure. Mutinta Musokotwane-Chikopela, mariée et mère de trois enfants, juge ainsi que « les femmes en profitent, compte tenu qu’il est impossible de prouver qu’elles ont leurs règles ou non ». « Les règles sont un phénomène normal du corps de la femme, comme la grossesse ou l’accouchement », ajoute cette employée qui refuse de prendre ces jours. D’autres craignent que ces « faveurs » ne compliquent l’insertion des femmes dans le monde professionnel.
Cet argument s’est également fait entendre en Italie, notamment dans les colonnes de la revue féminine Donna Moderna. "Si les femmes recevaient des jours supplémentaires de congés payés, les employeurs pourraient être encore davantage enclins à embaucher des hommes", peut-on ainsi y lire. Cette nouvelle discrimination à l’embauche découlant d’une mesure a priori bienveillante a de quoi inquiéter dans un pays où seules 61 % des femmes travaillent. Sans compter qu’une telle distinction entre les salariés est à même de renforcer bon nombre de clichés sur les femmes, choses fragiles en proie à leurs hormones.