C’était une promesse de campagne du candidat Macron, c’est désormais une victoire au crédit du président français. Le 24 octobre dernier, les présidents de l’Union européenne sont tombés d’accord pour amender la directive sur les travailleurs détachés… non sans obliger E. Macron à faire quelques compromis.
Prolongement naturel du principe européen de la libre circulation des personnes, le détachement des travailleurs permet à un pays membre d’envoyer des travailleurs effectuer des missions dans un autre pays membre. Lancé en 1996, il a explosé depuis 2004 et l'arrivée au sein de l'Union des ex-pays communistes de l'Europe de l'est. Si plus de deux millions de travailleurs étaient détachés en 2015, cette liberté a souvent fait l'objet de critiques, notamment de la part des pays de l'ouest qui l'accusent de participer à un "dumping fiscal" et d'instaurer une concurrence déloyale entre les différents pays européens.
De fait, la seule obligation pour les employeurs du pays d'accueil était de respecter le salaire minimum local. Payer un Letton travaillant en France au SMIC horaire, voilà qui avait de quoi ravir et l'employeur et le salarié, qui n'aurait jamais connu un tel niveau de rémunération dans son pays. Les salariés locaux, en revanche, avaient bien du mal à rester attractifs dans leur secteur. Le bâtiment, le transport routier ou encore l'agriculture ont ainsi grandement profité de ce surplus de main-d'oeuvre à bas prix.
C’est un combat de longue haleine qu’Emmanuel semble avoir remporté à l’échelle européenne. Après un tour d’Europe mouvementé (on a frôlé l’incident diplomatique avec la Pologne, en août dernier) et plus de onze heures de débats, les pays de l’Union se sont mis d’accord pour réviser la directive sur les travailleurs détachés. Seuls quatre pays se sont prononcés contre : la Pologne (sans surprise), la Hongrie, la Lettonie et la Lituanie.
Lire aussi : Des travailleurs détachés… mais plus encadrés |
Concrètement, les nouveaux amendements alignent le salaire des travailleurs détachés sur celui de leurs collègues locaux. Les uns et les autres toucheront les éventuelles primes, treizième mois, tickets restaurants, etc. et seront uniformément protégés par la convention collective en vigueur. Autrement dit, les règles du jeu découleront désormais du poste, et non plus du statut du travailleur, et ce dans tous les pays de l'Union. De quoi rendre nettement moins avantageux et systématique le recours au détachement.
Si Emmanuel Macron peut se targuer d'avoir obtenu la révision tant désirée, il a cependant dû lâcher du lest sur certains points, qui font aujourd'hui grincer des dents, notamment chez les professionnels de la route. En effet, le secteur routier est le seul à ne pas être concerné par ses révisions, lui qui compte pourtant parmi les secteurs les plus gourmands en travailleurs détachés. Face à la gronde des salariés concernés qui s'estiment "laissés-pour-compte", la Ministre des transports Elisabeth Borne précise que les spécificités de cette activité appelle un accord spécifique.
Par ailleurs, E. Macron a perdu la bataille du temps. Désireux de passer de trois à un an la durée maximale d'un détachement, les nouvelle règles coupent la poire en deux à dix-huit mois. Il sera enfin bien difficile d'observer les retombées au cours du quinquennat puisqu'il faudra attendre 2022 pour voir s'appliquer ces nouveaux amendements.