Dans le secteur Achat/Transport/Logistique, comme dans les autres secteurs, il est particulièrement difficile, pour les jeunes issus des quartiers sensibles ou des minorités raciales, de trouver un emploi. A compétences égales, à diplôme égal, ils sont moins sollicités pour des entretiens d’embauche que les jeunes de milieux plus favorisés.

C’est en partant de ce constat que l’association Nos Quartiers ont des talents a mis en place des solutions de parrainage entre les jeunes et des salariés en poste dans de grandes entreprises.

Laurent Leschi, Directeur du Sourcing global au sein de la Direction Achat groupe de l’entreprise Lafarge, est un de ces parrains.

Il a accepté, pour les lecteurs de Recrut.com, d’évoquer son rôle de au sein de l’association et de donner son avis d’expert sur les tendances du secteur.

• Quelles sont vos fonctions dans le groupe Lafarge ?

Je suis Directeur du Sourcing global, au sein de la direction Achats Groupe c'est-à-dire que je suis chargé de négocier centralement avec les fournisseurs des différentes familles d’achat utilisées dans les filiales du groupe Lafarge. Par exemple l’achat de PC, de prestations de voyages, d’engins de manutention …

Mon équipe regroupe une douzaine de directeurs achats qui négocient et consolident les besoins du groupe. Pour simplifier, mon travail s’organise en trois axes : 1/3 de management d’équipe, 1/3 de communication interne et 1/3 de « stratégie ».

• Quelle formation initiale avez-vous suivie et comment êtes-vous entré dans le groupe ?

J’ai d’abord fait une école d’ingénieur, puis un Master en Logistique Industrielle. Ce profil « double formation ingénieur plus master école de commerce » est courant. De manière générale, à l’époque comme aujourd’hui, une telle double formation peut permettre de faire la différence à l’embauche, pour intégrer un grand groupe comme Lafarge

Je suis entré chez Lafarge en 2001 en tant que directeur achat au sein de la branche plâtre. Puis, j’ai travaillé comme directeur achat au sein de la branche ciment en Grèce. Il s’agissait de postes opérationnels.

• Quels sont les autres métiers du secteur Achat /Transport /Logistique représentés au sein du groupe Lafarge ?

Le groupe Lafarge vend et distribue quatre produits : du ciment, du béton, du granulat et du plâtre. En amont de cette activité de vente et de distribution, on trouve bien évidemment l’achat de service et/ou de matières premières. Pour satisfaire ce fonctionnement, il existe différents postes qui peuvent être proposés à des diplômés bac+5 dans ces spécialités.

• En Logistique : il existe par exemple des postes de responsables d’expédition (chargement des camions, vérifications …) pour les jeunes diplômés et des postes de directeur logistique pour les plus seniors voire des postes de supply-chain manager

• Transports : en général, chez Lafarge, ce domaine est sous traité bien que certaines usines possèdent leurs propres conducteurs et transporteurs.

• Achats : dans ce domaine qui compte environ 1000 personnes, les postes proposés sont ceux d’acheteur usine, d’acheteur filiales (il y a plusieurs usines dans une filiale), de directeur achats filiale, de directeur sourcing groupe…

• Le secteur propose donc de nombreux postes, quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui souhaiteraient y faire carrière ?

Lorsque j’ai cette conversation avec certains des mes filleuls, je leur propose de mener eux-mêmes leur réflexion sur 3 axes :

1. Ma passion est-elle assez importante pour porter ma carrière ?

2. Mes compétences sont-elles suffisantes pour me permettre de réussir ma carrière ?

3. Le marché a-t-il besoin de moi ? Et qui, parmi les acteurs du marché, aurait besoin de moi ?

Je leur conseille d’analyser soigneusement leur personnalité pour choisir l’entreprise pour laquelle ils sont faits. Travailler dans une PME développe l’autonomie et la prise de décision, travailler dans un grand groupe permet d’acquérir des connaissances parfois plus techniques, et c’est un plus sur le CV !

Les passerelles existent, tout dépend des besoins des sociétés et des compétences personnelles des salariés.

• Quelles sont les évolutions de carrière envisageables ?

Elles dépendent des capacités de chacun. Chaque collaborateur possède à la fois des compétences techniques et comportementales. C’est la conjugaison de ces deux types qui génère l’adéquation à un profil. Chez Lafarge, il est possible de changer de poste suivant l’expérience et les compétences affinées au cours de l’emploi précédemment occupé.

• Quel est votre rôle au sein de l’association Nos Quartiers ont des talents ?

Je suis parrain de deux filleules qui sont issues des minorités raciales et/ou des quartiers dits sensibles. Ces jeunes femmes sont toutes deux titulaires d’un bac + 4 ou + 5 et ont besoin d’aide et de conseils pour mener à bien leur recherche d’emploi. Mon rôle est de les conseiller, de les aider. Concrètement, je travaille avec mes filleules sur 3 axes :

1. La rédaction du CV

2. La préparation à l’entretien d’embauche

3. L’aide au développement du réseau

A raison d’un rendez-vous d’1 ou 2 heures par semaine, nous avançons sur ces 3 points et je débriefe avec eux les entretiens qu’ils ont décrochés, afin qu’ils se préparent le plus efficacement possibles à ceux à venir.

Une de mes filleules a trouvé un CDD et l’autre a décroché un stage, toutes les deux dans le secteur transport/logistique puisqu’elles sont titulaires d’un master dans ce domaine.

Nous travaillons à 20 % sur le thème de la gestion de la différence et à 80 % sur la préparation à l’embauche.

• Comment avez-vous rejoint l’association ?

Je suis l’un des 10 parrains du groupe Lafarge auprès de l’association. Après l’établissement d’un partenariat avec Nos Quartiers ont des talents, le DRH du groupe m’a contacté en me proposant de devenir parrain. J’ai accepté car l’idée me plaisait.

Pour moi, il est important de défendre des valeurs d’entraide, de soutien. De plus, il est rafraichissant de travailler avec de tous jeunes diplômés et de leur transmettre un peu de mon savoir professionnel, et cela en toute simplicité, puisqu’il n’y a aucun rapport « professionnel » entre nous. Ce climat permet un travail plus efficace.

• D’après vous, quelle est l’importance de ce genre d’association ?

D’après moi, elles sont d’une grande valeur et d’une grande importance. De toute évidence la recherche d’emploi est plus ardue pour ces jeunes que pour les autres.

Mes filleuls m’ont récemment fait part de remarques qui leur ont été adressées lors d’entretiens qui étaient à la limite de la correction, voire carrément racistes. Je tente, avec elles, de leur donner les moyens de répondre à cela avec professionnalisme et humour, sans se laisser démonter.

D’autre part, j’ai constaté, que les jeunes diplômées, toutes compétentes qu’elles sont, ont de réelles lacunes en matière de préparation à l’entretien ainsi que dans la rédaction de leur CV.

Les bases les plus élémentaires sont manquantes et les premières simulations d’entretien étaient ratées ! Ces jeunes filles ont des difficultés à se mettre en valeur, à mettre en valeur leurs compétences.

La question qui mérite d’être posée d’après moi est : « Qu’est ce qui handicape le plus ces jeunes ? Leur appartenance à une minorité ou leur manque de formation à la recherche d’emploi ? »