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Télétravail : les Français le réclament, avec mesure

11/01/2021

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Travailler chez soi, à la bibliothèque, au café, partout sauf dans l’entreprise : la tendance est réelle, durable, et s’amplifie. Aujourd’hui, en indépendant ou dans le cadre du contrat de travail, un quart des actifs sont concernés par le télétravail. Réclamé par les salariés, vanté par les entreprises, défendu par le gouvernement, il fait aujourd’hui l’objet de nombreuses études, moins enthousiastes que prévu, même si la situation actuelle le demande.

Loin des yeux, près du cœur

Et si le meilleur moyen d’aimer l’entreprise, c’était de s’en éloigner ? L’idée aurait paru saugrenue il y a quelques années, mais semble aujourd’hui marquée du sceau de l’évidence. Chaque année, de plus en plus d’actifs obtiennent ainsi l’autorisation de leur employeur de recourir au télétravail, c’est-à-dire de travailler à distance, sans avoir à venir dans les bureaux. Une tendance grandement aidée par le développement des métiers de services, des nouvelles technologies, mais surtout par une préoccupation nouvelle des entreprises pour la qualité de vie au travail. Adieu réveil qui vous hurle dessus, bousculades dans les transports et open space bruyant ; bonjour liberté et planning personnalisé ! Ainsi, être un employé heureux consiste peut-être tout simplement à pouvoir travailler en pyjama depuis son canapé.

Alors, bien sûr, il n’est pas facile pour les managers de renoncer à leur pouvoir direct sur leurs équipes ; 12 % d’entre eux avouent d’ailleurs refuser ce droit par peur de s’enliser dans la gestion d’équipe à distance. Pourtant, petit à petit, les mentalités évoluent et le travail présentiel recule au profit de l’autonomie et la confiance supposées par le télétravail. Tant et si bien qu’un salarié sur cinq bénéficie aujourd’hui de journées de télétravail occasionnelles ou régulières, l’effet confinement a fait son rôle d’accelerateur.

Etrangement, ce recul physique marque un rapprochement affectif entre l’entreprise et les collaborateurs. Plus du tiers (36 %) des télétravailleurs estiment ainsi avoir gagné en productivité et près de la moitié (45 %) aiment pouvoir adapter leur emploi du temps quotidien selon leurs envies. Même constat du côté des entreprises qui conviennent à 82 % que ce mode d’organisation accroît l’engagement des collaborateurs.

Libéré, délivré, isolé

Il convient de souligner que par « jouir d’un planning personnalisé », les salariés n’entendent pas travailler moins, voire considérer ces journées à distance comme des congés déguisés : si la prise de fonction est souvent plus tardive, elle est souvent compensée par du travail plus tardif ou sur les jours non-ouvrés. Paradoxalement, donc, le boulot tend à être plus présent dans la vie du salarié en télétravail que dans un cadre présentiel. Il y a toujours deux côtés à une même médaille, et les télétravailleurs l’ont bien compris. Ainsi, alors que cette forme de travail se généralise et que l’effet nouveauté s’estompe, il est désormais possible d’en percevoir les conséquences négatives.

La plus évidente, l’une des plus citée par les actifs concernés, repose précisément sur cette absence de frontière entre vies professionnelle et privée. Lorsque l’on travaille où l’on dîne, lorsqu’on peut préparer un PowerPoint tout en faisant tourner une machine, alors les éléments structurants de la vie professionnelle (trajets, bureaux, mais aussi et surtout horaires) se dissolvent et il est facile de perdre ses repères.  C’est sur ses sujets, précisément, que les télétravailleurs expriment le plus de contrariété : perte du lien social et d’isolement vis-à-vis des collègues (65 %), difficulté à séparer les temps de vie (59 %) et même difficulté d’organisation du travail (34 %). Certains acteurs de la sphère professionnelle s’inquiètent ainsi de la désociabilisation liée au télétravail. Problème de gestion ou mauvaise conscience, plus de la moitié des actifs concernés (55 %) déclarent travailler plus qu’au sein de l’entreprise. « Lorsqu’on travaille au sein de son sweet home, on peut inconsciemment se sentir coupable de travailler dans de très bonnes conditions : aussi est-on davantage enclin à en faire plus », estime ainsi Martin, télétravailleur.

Au total, seuls 58 % des télétravailleurs se disent pleinement satisfaits par ce mode d’organisation. Surtout, il est intéressant de souligner que le télétravail est d’autant plus apprécié qu’il est partiel, limité idéalement à deux jours par semaine. Liberté, c’est bien, mais limitée, c’est mieux.

 Télétravail et liberté forcée

Le télétravail ne se conçoit donc pas comme un nouveau mode de travail déconnecté des bureaux, mais comme une parenthèse, une respiration dans la semaine, un avantage comme les primes ou les tickets restaurants. Il n’est donc guère étonnant qu’il est aujourd’hui principalement accordé aux salariés les plus âgés et les plus anciens dans l’entreprise, ceux dont la capacité de travail n’est plus à démontrer aux managers. Sauf que, parfois, le télétravail n’est pas choisi mais subi, imposé par des entreprises qui souhaitent ainsi développer l’agilité de leur personnel ou réduire leurs frais immobiliers. Il devient alors contrainte à temps plein.  

Premières victimes : les jeunes. S’il  nombreux sont les articles à nous présenter la génération Y comme étant à la recherche d’autonomie et de flexibilité, agile mais pas fan de l’entreprise, elle redoute plus que quiconque les désavantages liés au télétravail.  Encore nouveaux dans le monde du travail, désireux de faire leurs preuves dans la boîte et de se constituer un réseau, ils rechignent à rester chez eux et travailler par échanges de mails. Les 18-29 ans sont ainsi très largement majoritaires à redouter l’isolement supposé par le télétravail. Plus attachés que les générations précédentes à l’équilibre entre vies professionnelle et personnelle, ils refusent de rester chez eux et plébiscitent les tiers  lieux (café, espaces de coworking, bibliothèques). De quoi préserver la convivialité, la socialisation liée au travail, hors des murs classiques de l’open space.

Loin d’être la solution miracle, bonne pour la santé de la planète et des actifs, le télétravail présente aujourd’hui des conclusions contrastées. Reste une évidence : il ne doit être ni imposé ni exclusif mais doit au contraire être vécu comme une nouvelle modalité laboral, un nouvel outil des entreprises au service de la qualité de vie et de la rétention des talents.  

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