La Loi Travail est votée, et toutes ses dispositions sont entrées en application avec l’arrivée de la nouvelle année. Elles n’ont d’ailleurs pas tardé à se faire sentir : pas moins de deux entreprises (PSA et Pimkie) ont fait savoir qu’elles comptaient recourir au nouveau dispositif des ruptures conventionnelles collectives.
De quoi s’agit-il ? Pourquoi ça fait débat ? On vous explique.
C’est la nouveauté que personne n’attendait et que le programme présidentiel d’Emmanuel Macron n’annonçait pas. La rupture conventionnelle collective permet aux entreprises de se séparer de plusieurs salariés (le plancher est de deux seulement) sans recourir à un plan social. De fait, la RCC ne s’inscrit pas dans un contexte de difficultés économiques, mais entend aider l’entreprise à anticiper des fluctuations dans son activité en allégeant ses équipes ou en renouvelant sa main-d’œuvre pour changer de cœur de métier.
Les obligations de la direction sont minimes (ce qui n’a pas manqué d’effrayer les syndicats lors du vote de la loi) : pas de justification à fournir, pas d’obligation de formation ou de reclassement des salariés, pas d’obligation de réembauche. En somme : un levier de licenciement collectif plus rapide et facile à mettre en place pour l’employeur.
Malgré tout, la RCC présente deux garde-fous majeurs :
> en tant qu’accord, elle doit être approuvée par des syndicats représentants plus de 50 % des salariés. Ces derniers peuvent en négocier le contenus (et donc les conditions de licenciement) avec la direction.
> elle doit être validée par la Direccte concernée (cellule régionale rattachée au Ministère du Travail) qui vérifie l’absence d’abus ou de discrimination.
PSE (plan de sauvegarde de l’emploi, ou « plan social ») |
RCC (rupture conventionnelle collective) |
Le licenciement est économique*. |
Le licenciement est une rupture conventionnelle (c’est-à-dire un accord mutuel). |
Les salariés concernés sont choisis par la direction. |
Les salariés concernés sont volontaires. |
Les syndicats peuvent demander (et contester) une expertise économique. |
L’entreprise n’a pas de justification à fournir. |
La consultation des syndicats est souhaitable, mais pas déterminante. |
L’entreprise doit obtenir l’accord des syndicats majoritaires. |
La formation et le reclassement des salariés sont obligatoires. |
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Le salarié jouit d’une priorité de réembauche. |
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Coup sur coup, l’actualité a relayé la demande de RCC de deux entreprises emblématiques : PSA et Pimkie.
La chaîne vestimentaire a dégainé la première, dès la fin décembre, et annonçait vouloir se séparer de plus de 200 salariés en raison d’un fort recul du chiffre d’affaires. Pour les syndicats, ce motif économique clairement assumé détournait la RCC de sa fonction initiale. Dénonçant un plan social à bas coût et souhaitant pousser la direction à justifier ses difficultés, les syndicats ont fait bloc et refusé de signer l’accord. Résultat : Pimkie annonçait l’abandon de son projet de RCC le 9 janvier. Premier essai et premier échec pour ce nouveau dispositif, ce qui n’a pas manqué de réjouir la maire de Lille (région concernée par le projet), Martine Aubry, pour qui « le cas Pimkie est un cas d’école ». Peut-être : il montre en tout cas que la barrière syndical fonctionne, apaisant les craintes émises pendant la rédaction du texte de loi.
Chez PSA, en revanche, le processus semble vouloir aboutir puisque seule la CGT s’est prononcé contre le projet, qui concerne 1 300 salariés.
[EDIT 18 janvier 2018] Les syndicats ont majoritairement validé l'accord de RCC chez PSA (à 58 %), entérinant donc la toute première aplication de cette nouvelle disposition dont veulent désormais s'emparer Les Inrocks et Le Figaro.