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Religions en entreprise : faut-il cacher le voile ?

14/09/2016

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« La France de 2016 n’est plus la France de 1905. » Cette lapalissade signée Clotilde Valter (Secrétaire d’Etat auprès de la Ministre du Travail) renferme une problématique d’actualité : dans quelle mesure la loi instaurant la laïcité en France parvient-elle à s’adapter aux réalités d’aujourd’hui ? Sécularisation, hiérarchie nouvelle des croyances, mélange des revendications religieuses et identitaires… la donne a changé et l’entreprise, de par son rôle de ciment social, en ressent forcément les conséquences.

 

Privé/public : deux situations contradictoires

Le sujet a beau occuper les journalistes de toutes les rédactions, il fait encore l’objet de données floues sur le terrain professionnel. Selon un chiffre soutenu par le Ministère du Travail,  50 % des managers ont été confrontés à une demande de nature religieuse en 2015. L’Institut Montaigne avance quant à lui 12 %, preuve de la complexité à évaluer un phénomène que beaucoup d’encadrants ne consignent pas, de peur d’être accusés de discrimination ou d’envenimer la situation.

Il faut dire que la loi offre un bien mince filet de secours aux entreprises.  Si les administrations publiques se doivent d’afficher une neutralité stricte et bannissent donc les signes religieux chez tous leurs agents, les organisations privées naviguent à l’aveugle. Les deux situations sont diamétralement opposées : chez les premières prime la laïcité ; dans les secondes, la liberté de pensée de chaque employé. Le salarié du privé peut donc invoquer sa liberté individuelle dans l’expression de ses croyances sur le lieu de travail.

 

Le règne du cas-par-cas

Quelle attitude adopter pour la hiérarchie ? Que privilégier quand les droits fondamentaux de penser et s’exprimer questionnent le fonctionnement habituel de l’entreprise ? La loi ne tranche pas. « Il n’y a pas de solution unique car il n’y a pas de réalité unique», se défend Clotilde Valter. Et de fait, les revendications religieuses adoptent des formes de plus en plus variées et inattendues : vêtements spécifiques, adaptation des temps de pause et des congés, installation d’espaces dédiés dans les locaux, préparation de repas spécifiques à la cantine, et jusqu’à la révision de l’organigramme.

Pour Patrice Obert (délégué général à l’éthique à la RATP), la manager doit puiser sa réponse non pas dans la nature de la revendication, mais dans son contexte. L’objectif est de dégager la demande du salarié de sa dimension religieuse pour garantir l’objectivité de la solution trouvée ; en clair, répondre aux demandes de congés par le planning, aux demandes de repas de substitution par le budget. Il en va de même pour les éventuels blocages. Aux salariés qui refusaient de serrer la main aux collègues de sexe féminin, la RATP a brandit des sanctions pour sexisme et discrimination ; aucune mesure disciplinaires n’existent pour motif religieux.

Face à l’absence de règles claires, les directions sont donc invitées à parler au nom de l’intérêt commercial de l’organisation. Seule la mise en danger de l’entreprise peut ainsi justifier un transfert ou un licenciement, c'est-à-dire le trouble ressenti par un client. A l'inverse, le mal-être des autres salariés, même majoritaires, ne peut constituer un motif de licenciement ; le patron doit alors user de son autorité pour rétablir ordre.

 

Des réponses encore trop partielles

Et encore. Quand bien même le dirigeant est en mesure de prouver le fondement commercial d’une décision, il reste soumis à l’interprétation du juge qui, en l’absence de texte clair sur le sujet, peut faire primer la liberté religieuse de l’individu. La jurisprudence le prouve : des cas similaires ont donné lieu à des jugements contradictoires. Faute de voter une loi spécifique sur le sujet, le gouvernement renvoie la balle aux chefs d’entreprise en leur permettant, par un article de la Loi Travail, d’inclure dans leur règlement intérieur un « principe de neutralité »*. Les spécialistes du droit du travail craignent cependant que sa formulation ambiguë n’occasionne plus de tâtonnements que de clarifications.

Claire Solarz, dirigeant de Paprec (pionnière en matière de neutralité en entreprise), estime que le gouvernement doit prendre ses responsabilités. « Je ne suis pas pour qu’un employeur invente les règles. Ce n’est pas son rôle et c’est dangereux. » Afin d’aider les dirigeants, un guide sera publié le 20 septembre prochain. Nous en dirons plus à ce moment.

* « Le règlement intérieur (des entreprises) peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. ». 

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