« Ce n’est pas au moment où il y a un taux de chômage élevé qu’il faut réduire le droit des chômeurs », déclarait le Président Hollande en janvier 2014. Deux ans plus tard, le son de cloche émis par le gouvernement a bien changé.
Depuis plus d’une semaine, la Ministre du Travail Myriam El Khomri fait le tour des médias pour défendre la grande réforme du Code du Travail ainsi que les pistes envisagées par le gouvernement pour inverser la courbe du chômage. Parmi elles, une bombe : la dégressivité des allocations chômage.
Loin d’être une idée neuve, la dégressivité des allocations chômage fut instaurée pour la première fois en 1992, par Martine Aubry (alors Ministre du Travail). Loin d’être aussi politiquement clivante que les 35 heures, elle est maintenue par les gouvernements de droite qui suivirent, jusqu’à sa suppression en 2001 par Jacques Chirac.
La raison de ce retour en arrière est simple : la dégressivité n’a eu aucune incidence sur le retour à l’emploi. Avec l’augmentation du nombre de chômeurs de longue durée, sa principale conséquence était une précarisation d’une partie de la population. Certains économistes soulignaient également une conséquence perverse de la mesure : menacés par la dégressivité, les profils plus diplômés acceptent des emplois de moindre exigence et « chassent » ainsi du marché de l’emploi les actifs moins qualifiés. Il est donc bénéfique pour l’économie et la solidarité de laisser un peu le temps aux chômeurs de préparer leur retour au travail sereinement.
Le Président François Hollande s’est souvent prononcé contre la dégressivité. C’était sans compter sur la dette abyssale dans laquelle s’enfonce l’Unédic : près de 30 milliards d’euros d’ici la fin de l’année, deux fois plus qu’il y a deux ans.
A défaut de stimuler le retour à l’emploi des chômeurs, cette mesure –préconisée par les instances européennes– viserait avant tout à assurer la survie de l’organisme en charge de l’assurance chômage.
Une fois n’est pas coutume, l’opposition est unanimement en faveur de cette proposition du gouvernement. Nicolas Sarkozy souhaite rétablir des baisses des 20 % des allocations à 12 et 18 mois, tandis qu’Alain Juppé a estimé qu’il faut « inciter les demandeurs d’emploi à rechercher du travail et donc s’orienter vers une dégressivité ».
La gauche, quant à elle, ne sait trop quoi dire. Si les partenaires sociaux et l’aile gauche de la majorité se montrent inquiets, la plupart des élus attendent de voir l’issu des négociations pour se prononcer.
Le « patron des patrons » Pierre Gattaz s’est bien entendu montré enthousiaste, jugeant qu’il est nécessaire d’inciter « à travailler tous les gens qui peuvent travailler mais ne le font pas ».
Les Français sont globalement en faveur de cette mesure (58 %, selon une enquête parue dans Les Echos). Les positions sont cependant très contrastées selon le niveau d’étude et l’âge des répondants : les plus favorables sont en effet les personnes retraitées ou hautement qualifiées, c’est-à-dire les moins susceptibles d’être concernés par un chômage de longue durée.
Les partenaires sociaux ont jusqu’à juillet pour trouver un accord. Sans quoi, Myriam El Khomri promet que le gouvernement « prendra ses responsabilités »…