Comme promis, le projet de loi de Myriam El Khomri (Ministre du Travail) visant à simplifier et moderniser le Code du Travail risque de faire couler beaucoup d’encre. Marquant un « changement de philosophie important » selon les propres mots de la ministre, il allège le poids de la loi au profit des décisions internes à l’entreprise.
Focus sur les principaux points chaud de la réforme.
Les 35h restent la durée légale du travail, et les heures travaillées au-delà feront toujours l’objet d’une majoration de 10 % minimum.
En revanche, des négociations internes à l’entreprise pourront mener à l’instauration de journées de 10h de travail et de semaines pouvant aller jusqu’à 60h. Et ce, pendant seize semaines maximum.
Si la loi reconnaît encore les 35h, des clefs sont donc donner aux entreprises pour les contourner sans passer par une instance extérieure.
A noter, les élèves en apprentissage vont également goûter à ce rallongement du temps de travail. Sans passer par l’Inspection du Travail, le tuteur pourra désormais lui appliquer des journées de 10 heures (contre 8 actuellement), pour une durée hebdomadaire totale de 40 heures (35 actuellement).
Sont appelés « astreintes » ces jours au cours desquels le salarié, bien que libre de ses mouvements, doit rester à disposition de l’employeur. Il peut être appelé en urgence… ou pas. Le système actuellement reconnaît comme motif de rémunération le fait que le salarié doit se montrer réactif et disponible pour l’employeur ; l’astreinte est donc payée (comme un jour normal, ou légèrement moins).
Le projet de loi El Khomri propose d’annuler le caractère systématique de la rémunération : seul le salarié appelé par son employeur sera payé. Pas d’urgence, pas de rémunération et l’astreinte sera alors considérée comme un jour de repos.
Pierre Gattaz (Président du MEDEF), Emmanuel Macron (Ministre de l’Economie) et aujourd’hui Myriam El Khomri, tous crient haro sur le Tribunal des Prud’hommes, accusé de mettre en péril les petites entreprises par les lourdes indemnités qu’il inflige au dirigeant condamné.
La loi Macron II (aujourd’hui abandonnée) proposait déjà de plafonner les indemnités afin d’offrir aux dirigeants une plus grande visibilité sur les risques encourus en cas de licenciement abusif reconnu. Le plafond maximal envisagé était alors de 27 mois de salaire.
M. El Khomri va plus loin et propose un plafonnement à 15 mois (pour les salariés ayant plus de 20 ans d’ancienneté).
Toujours dans un souci de visibilité, Pierre Gattaz souhaitait inscrire dans le contrat de travail les motifs valables de licenciement. Le projet de loi va dans ce sens, en clarifiant les situations pouvant mener à un incontestable licenciement économique. Celui-ci pourra être « défensif » (baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente, pertes pendant plusieurs mois, importante dégradation de la trésorerie), mais également –et c’est là la grande nouveauté– « offensif ». L’employeur pourra désormais de défaire de salarié s’il estime que ce choix favorise la compétitivité de l’entreprise dans son secteur.
Cette conquête de marchés peut également pousser l’employeur à baisser les salaires pendant cinq ans. La nouvelle loi réaffirme ce principe mais change le traitement des salariés refusant cette baisse. Ces derniers ne jouiront plus du statut de « licenciés économiques » mais celui de « licenciés pour cause réelle et sérieuse », nettement moins favorable.
Le projet de loi sera présenté au Parlement d'ici le printemps. Consciente des débats houleux qui s'annoncent, la ministre ne rejette pas un passage en force par un recours au 49-3 (qui contourne le vote des élus).