Montre-moi à quoi tu ressembles, je te dirai qui tu es
Pourquoi un tel lien est-il établi entre poids et savoir-faire professionnel ? Comment les entreprises tentent-elles de rationaliser une discrimination lorsqu’elles ne peuvent se cacher ni derrière la pause occasionnée par une grossesse, ni derrière le coût de l’adaptation des postes de travail ?
Pour les observateurs et les personnes concernées, leurs difficultés à convaincre les recruteurs est imputable à la persistance de certains stéréotypes. « Les personnes obèses sont plus souvent caractérisées par leur poids que par d’autres attributs sociaux »
« Le statut de ‘gros’ ou de ‘grosse’ prend le pas sur toutes les autres qualités du sujet. » Dans le regard de l’autre, on est donc obèse avant d’être femme ou homme, blond ou brun, grand ou petit, sérieux, timide ou même diplômé.
Il y a aussi (et surtout) cette idée que, contrairement à un handicap, le surpoids est un choix de vie, et qu’il suffirait que le candidat le décide pour changer de condition.
D’où le schéma mental qui associe le surpoids à une forme de paresse, à un manque de contrôle. Que pourrait apporter à l’entreprise un candidat qui ne sait faire preuve de volonté et d’efficacité dans sa vie personnelle ?
Le glissement est subtil mais pernicieux du physique au moral et rappelle en cela la physiognomonie du XIXe siècle, cette méthode chère à Honoré de Balzac et qui prétendait déduire la personnalité d’un individu de son apparence.
Contestée depuis toujours et sans aucun fondement scientifique, elle n’en reste pas moins ancrée dans l’esprit de chacun par la déclinaison de stéréotypes dans les films, les séries et surtout les dessins animés dans lesquels le gentil est forcément athlétique et le gros, toujours la caution humoristique.
L’entreprise dont vous êtes le héros
Malheureusement, et là réside le problème, la fiction n’est pas sans conséquences dans le monde réel.
Ambassadeur de la marque, carte de visite de son entreprise, le salarié campe -plus ou moins ouvertement selon les professions- un rôle de représentation.
Rares sont les entreprises ou secteurs à assumer ce ciblage ; elles sont cependant nombreuses à pratiquer une discrimination souterraine, d’autant plus facile à appliquer qu’elle est difficile à prouver pour la victime.
Les études montrent ainsi que les personnes en surpoids ont plus de mal à décrocher à emploi après un entretien, mais également à monter en hiérarchie au sein de l’entreprise.
Difficile pour elles de se voir confier des missions au contact des clients ou partenaires, ou même de direction d’équipe. Selon le rapport du Défenseur des droits, les femmes obèses seraient ainsi huit fois plus victimes de discriminations professionnelles que celles à IMC normal (c’est-à-dire compris entre 18 et 25). D’où le slogan choisi pour la campagne de 2016 : « L’apparence physique n’est pas un critère d’embauche, mais un critère de discrimination ».