Aussi souvent critiqués que développés, les emplois aidés font aujourd’hui l’objet d’une nouvelle fronde, menée par le Premier Ministre Edouard Philippe et la Ministre du Travail Muriel Pénicaud. Jugés « trop onéreux » et « peu efficaces », ils sont peut-être condamnés à disparaître au cours des prochaines années.
Dans la torpeur estivale, la nouvelle est tombée comme une noix de coco sur la tête des partenaires sociaux et leaders de l’opposition. Par surprise et douloureusement. Alors que tous les yeux étaient tournés vers la future Loi Travail, le gouvernement a pris tout ce petit monde de court en attaquant les contrats aidés, dont il annonce un recul drastique. Une mesure que l’on ne savait ni prioritaire, ni même sur les rails.
Difficile de donner une définition simple des emplois aidés, tant leurs noms, bénéficiaires et modalités varient en fonction des gouvernements : contrats jeunes, contrats de génération, Emplois d’avenir, contrats uniques d’insertion… Ils désignent toutes les initiatives qui consistent à encourager le recrutement de profils fragilisés par un coup de pouce de l’Etat, notamment des allègements de charges. Jeunes sans diplôme, seniors et personnes éloignées de l’emploi en sont les principaux bénéficiaires.
Piper les dés pour remettre le pied à l’étrier, tel est donc le concept original des emplois aidés, créés il y a trois décennies par Raymond Barre, puis popularisés par les « emplois jeunes » de Martine Aubry. Aujourd’hui cependant, ceux-ci servent bien souvent de variable d’ajustement en cas de chômage de masse. Pour un gouvernement en quête de résultat sur le front de l’emploi, multiplier les emplois aidés permet ainsi de baisser artificiellement le nombre de demandeurs d’emploi. C’est ce que l’on appelle le « traitement social du chômage ». Nulle surprise, par conséquent, que François Hollande s’en soit montré particulièrement friand : pas moins de 460 000 emplois aidés en cours pour la seule année 2016 et près de 300 000 déjà signés pour 2017, dont le nouveau gouvernement devra bien s’accommoder.
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Ces emplois aident-ils les chômeurs ou les décideurs politiques ? Le débat existe et attise les critiques envers ces dispositifs, elles-mêmes nourries par le flou autour des résultats à long terme sur l’insertion des bénéficiaires. « Il est difficile de mesurer directement les effets des contrats aidés sur l’emploi et le chômage », affirme en effet la Dares dans un rapport publié en mars dernier et qui met en lumière un double phénomène : d’une part, des associations et collectivités locales dépendantes du financement de l’Etat et donc incapables de préserver les emplois une fois la période d’aide achevée ; d’autre part, un secteur marchand profitant des effets d’aubaines découlant des dispositifs pour des recrutements qui auraient eu lieu par ailleurs. Conclusion : les emplois aidés ne deviennent pérennes que s’ils n’ont pas besoin d’aide. Curieux paradoxe qui a conduit le premier ministre Edouard Philippe à les juger « onéreux » et « peu efficaces », avant d’en annoncer la réduction immédiate.
Pour compenser la disparition de cet outil en direction des plus fragiles, le gouvernement plaide encore et toujours en faveur de la formation, susceptible d’harmoniser le profil des demandeurs d’emploi et les besoins des recruteurs. Une formation n’est certes pas un emploi, mais le gouvernement y voit le remède miracle contre le chômage de longue durée. Soit. Mais entre la diminution immédiate des emplois aidés et l’application d’une loi pour la formation dont le vote est prévu pour la fin de l’année, les difficultés risquent d’être réelles pour les profils en difficulté. « On supprime l’échelle avant de fabriquer un escalier », s’insurge ainsi François Ruffin, député de La France Insoumise.