A termes, les machines se verront confier les tâches les plus ingrates, les plus répétitives, les plus vides de sens et d’intérêt.
A nous humains les emplois à forte de valeur ajoutée, source de revenus substantiels et d’épanouissement personnel !
Nous n’en sommes pas encore là et les progrès technologiques ont pour l’heure conduit à une division stricte entre emplois à forte valeur ajoutée et petites mains. Entre les deux, le gouffre s’étend, ouvrant ainsi à la voie à des excès. Le micro travail est l’un d’eux.
Nouvelle division du travail et émiettement des tâches
Lorsqu’une intelligence artificielle empiète sur le territoire humain (comme en mars dernier, lorsqu’un ordinateur a vaincu le champion du monde de jeu de go), on s’offusque et prend peur. Il est cependant des tâches qu’on laisserait avec grand plaisir aux robots.
C’est ça, le micro travail : des petites missions qui, bien que simplistes, ne peuvent pas (encore !) être automatisées et sont donc confiées à des humains volontaires. Traductions, retranscriptions écrites de dialogues vidéos, descriptions d’images… les possibilités sont multiples et les sites monétisant ce phénomène se multiplient, inspirés par Amazon qui fut le premier à lancer sa plateforme de micro travail en 2005.
Concrètement, le micro travail est une nouvelle déclinaison de l’uberisation de l’économie, qui permet aux particuliers de trouver des missions rémunérées par l’intermédiaire d’applications web, en dehors de tout contrat de travail. Sur une plateforme de micro travail, l’internaute se voit confier de petites missions simples, à effectuer en une dizaine de minutes et rémunérées en conséquence (quelques centimes d’euros). Pas de CV, pas d’entretien d’embauche, seule une connexion internet est nécessaire pour commencer à travailler. C’est la fin consommée du lien qui, traditionnellement, unit diplôme, compétences et poste.
On compte déjà une centaine de plateformes et un million d’inscrits dans le monde entier, dont 500 000 sur le seul « Turc méchanique » d’Amazon.
Un atelier clandestin 2.0 ?
Tout comme Uber et tellement d’autres font de n’importe quelle voiture domestique un taxi potentiel, le micro travail permet au quidam de transformer son ordinateur personnel en source de revenu complémentaire. Pendant une pause, un week-end, n’importe quand et sans obligation d’horaire à respecter, le micro travailleur peut se connecter pour effectuer des missions.
Ça, c’est sur le papier. La réalité est en effet toute autre : de plus en plus de micro travailleurs sont de hauts-diplômés qui accomplissent ces missions virtuelles faute d’en trouver dans le monde réel. Une étude indique ainsi que pour 55 % d’entre eux, ce mode de travail est plus subi que choisi.
Nombreux sont d’ailleurs les observateurs à dénoncer ces pratiques, qui mettent les travailleurs à la merci de clients qui gagnent sur tous les plans : une main-d’œuvre disponible et soumise (le rendu peut ne pas être validé, ni rémunéré), des rémunérations dérisoires et l’absence totale de réglementation. A titre indicatif, les traductions sont payés en moyenne 0,01 € par mot en micro travail contre 0,10 € chez un traducteur professionnel.
Le format web place surtout les travailleurs de ces plateformes dans un contexte de concurrence internationale. Les missions sont proposées sans distinction à des Belges et des Indiens : le plus réactif remporte souvent la mise. Avec toutefois une certaine différence : si le micro-revenu est synonyme de précarité en Europe, il est au-dessus du salaire moyen en Inde.
C’est là tout le paradoxe du micro travail qui permet d’augmenter le niveau de vie dans les pays en développement tout en les positionnant sur des missions à très faible valeur ajoutée que le progrès condamne. Un progrès, certes, mais à très court terme.
Un loisir source d’argent de poche ? Un futur levier économique d’importance ? Les contours du micro travails sont encore flous en France, et risquent de le rester.