Ils étaient une des composantes principales de ce que Zola appelait le Ventre de Paris, le quartier des Halles. Les Forts des Halles furent longtemps les plus emblématiques représentants de ce Paris populaire si cher au photographe Robert Doisneau.
Les forts des Halles étaient le nom des manutentionnaires qui avaient pour mission de transporter les marchandises de l'extérieur vers l'intérieur des pavillons des anciennes Halles de Paris. Portant une tenue de travail très caractéristique, les Forts formaient une corporation très célèbre dans la capitale, créée sous le règne de Louis IX.
Ils ont aujourd'hui disparu avec le transfert des Halles du centre de Paris vers Rungis.
Les Forts, qui étaient peu nombreux, se reconnaissaient du premier coup d’oeil au « coltin » : un vaste chapeau caractéristique en cuir jaune à très larges bords et muni d'une calotte de plomb à l'intérieur, qui leur permettait de supporter les lourdes charges « coltinées » sur la tête.
En outre, ce dernier protégeait la tête, le cou et les épaules. Comme signes distinctifs entre eux, les chefs des Forts portaient une médaille en argent, tandis que les simples Forts avaient une médaille en cuivre.
Les Forts étaient considérés comme une sorte d’aristocratie des Halles. Une tradition parisienne voulait qu’ils portent le muguet au président de la République, au Palais de l’Elysée le matin de chaque 1er mai. Chaque année, les Forts participaient au Carnaval de Paris avec un char représentant chaque arrondissement.
La corporation était précisément réglementée. À l'époque moderne, pour en faire partie, le candidat devait remplir ces conditions :
On considère généralement que les Forts seraient les créateurs, au milieu du XIXème siècle, du fameux débardeur appelé plus tard « marcel ». Une entreprise de la ville de Roanne, les établissements Marcel dirigés par un certain Marcel Eisenberg, mise sur ce débardeur révolutionnaire qui laisse les épaules à nu et donne naissance à un tricot qui deviendra célèbre dans le monde entier et portera le nom de sa société créatrice…
Lors des dernières années de leur existence, les Forts employés par la Préfecture de police faisaient office de police et assuraient la surveillance des pavillons des Halles. Nombre d’entre eux furent basculés vers la police municipale à lors du déplacement des Halles vers Rungis.
Aujourd’hui, il ne reste rien des Halles de Paris du 19ème siècle dessinées par Victor Baltard. De ces Halles voulu par Napoléon Ier en 1808, qui souhaitait en faire le « Louvre du peuple » et inauguré en 1853 par Napoléon III, seul deux des bâtiments ont survécu. Le premier, le Pavillon n°8, est conservé comme témoin d’une époque aux portes de la capitale. Il vous faudra vous rendre à Nogent-sur-Marne pour l’admirer. Cet ancien pavillon des halles de Paris reconverti en salle de spectacle a été rebaptisé Pavillon Baltard en hommage au créateur qui y a voué sa carrière. Le second se trouve à Yokohama au Japon.
Pour décrire de l’activité débordante du quartier des Halles au début du siècle, rien ne vaut un extrait du Ventre de Paris d’Emile Zola :
« Ce fut alors une cité tumultueuse dans une poussière d’or volante. […] Maintenant, la ville entière repliait ses grilles ; les carreaux bourdonnaient, les pavillons grondaient ; toutes les voix donnaient, et l’on eût dit l’épanouissement magistral de cette phrase que Florent, depuis quatre heures du matin, entendait se traîner et se grossir dans l’ombre. A droite, à gauche, de tous côtés, des glapissements de criée mettaient des notes aiguës de petite flûte, au milieu des basses sourdes de la foule. C’était la marée, c’étaient les beurres, c’était la volaille, c’était la viande. Des volées de cloche passaient, secouant derrière elles le murmure des marchés qui s’ouvraient. Autour de lui, le soleil enflammait les légumes. […] Les cœurs élargis des salades brûlaient, la gamme du vert éclatait en vigueurs superbes, les carottes saignaient, les navets devenaient incandescents, dans ce brasier triomphal. A sa gauche, des tombereaux de choux s’éboulaient encore ».