Bien que portée par la Ministre alors en charge du Travail Myriam El Khomri, la Loi Travail votée au printemps 2016 n’a trompé personne quant à sa paternité. C’est en effet Emmanuel Macron qui en a incarné et assumé les chapitres les plus controversés, d’abord dans une première version de la « Loi Macron » puis dans son programme présidentiel.
Mesure phare du candidat, cette nouvelle réforme du Code du Travail se veut un retour à l’esprit initial du texte, unanimement rejeté par les syndicats et corrigé avant son examen par le Parlement. Elle a donc tout naturellement déchaîné les rivaux d’Emmanuel Macron lors de la campagne, de Marine Lepen (qui la qualifie de « Loi Travail puissance mille ») à Jean-Luc Mélenchon (qui en a fait son principal argument pour ne pas donner de consigne de vote pour le deuxième tour).
Mais que contient réellement cette proposition ?
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L’établissement d’ « un plafond et un plancher pour les indemnités prud’homales pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (hormis cas de discrimination, de harcèlement, etc.) ». Présent dans la toute première version de la Loi Travail, ce barème d’entre un et vingt-deux mois de salaire est finalement consultatif, c’est-à-dire facultatif. E. Macron souhaite le rendre obligatoire pour améliorer la visibilité des dirigeants d’entreprise. Les montants du barème ne sont quant à eux pas encore connus.
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La généralisation de la DUP (délégation unique du personnel) prévue par la Loi Rebsamen de 2015. Cette dernière rendait possible la fusion des différentes instances de représentation des salariés -comité d’entreprise, délégué du personnel et CHSCT- dans les entreprises comptant entre 50 et 299 employés.
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Le rétablissement de l’exonération de cotisation sociale pour les heures supplémentaires. Celle-ci avait été instaurée en 2008 par Nicolas Sarkozy mais annulée quatre ans plus tard par François Hollande.
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De nouvelles libertés et obligations pour les actifs. Ceux-ci pourront, une fois tous les cinq ans, démissionner sans perdre leur droit aux allocations chômage. Les agriculteurs et autoentrepreneurs eux-aussi seront concernés par lesdites allocations. Le candidat espère ainsi lutter contre le burn out et encourager le développement de projets personnels. Les demandeurs d’emploi seront cependant plus contrôlés et pourront perdre leurs indemnités en cas de refus de plus de deux offres. Une mesure innovante mais dénoncée par Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière, comme étant « un même droit pour tous, mais un droit à un minima ».
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La primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche en cas d’accord avec les syndicats majoritaires (représentant plus de 50 % des salariés de l’entreprise concernée). Soit la fameuse « inversion de la hiérarchie des normes ». La Loi Travail actuelle le permet uniquement sur la question du temps de travail ; E. Macron souhaite l’élargir à tous les aspects de la vie en entreprise. En cas de blocage avec les syndicats, le dirigeant pourra demander leur avis directement aux salariés par référendum.
Forcément, ce texte –et en particulier ce dernier point– ont immanquablement fait réagir les syndicats, qui disent se tenir prêts pour « un troisième tour social » dans la rue. D’après les rumeurs, les grandes figures de FO et la CGT ont d’ores et déjà été priées de rester disponible pendant les grandes vacances, au cas où. Sans doute à raison. En effet, s’il dit vouloir les consulter, E. Macron souhaite surtout passer ce texte par ordonnances dès cet été. Il lui faudra pour ce faire un parlement favorable à sa ligne. Les élections législatives seront donc déterminantes pour l’adoption ou non du premier grand texte du quinquennat du nouveau président.
C. Véron
Quand -déjà- le Ministre Macron proposait d'élargir la Loi Travail de Myriam El Khomri :