Souvenez-vous, c’était le mois dernier. La France adoptait une Loi Travail qui promettait d’assouplir le marché de l’emploi par une grande simplification administrative. Des procédures de licenciement, par exemple. Chose promise, chose due : les premières mesures sont déjà mises en œuvre.
De la simplification à l’aberration, il n’y a qu’un pas que le gouvernement franchit actuellement avec sa décontraction habituelle. Notamment par la mise en place de deux outils à destination des directions, visant à leur simplifier le licenciement : un set de lettres-type et un simulateur d’indemnités. Ou quand la logique est tendue jusqu’au cynisme.
« Ce n’est jamais un plaisir de licencier quelqu’un. » Lorsqu’on entend un dirigeant d’entreprise dire cela, il n’est pas facile de savoir s’il fait référence au drame individuel que constitue le chômage ou à la lourdeur administrative qu’une telle procédure suppose. Fort heureusement pour les seconds, Muriel Pénicaud s’est attaqué au problème dès le printemps dernier, affirmant travailler à l’élaboration d’outils pour guider les (petits) patrons.
Résultat des courses cette semaine, les partenaires sociaux ont reçu six lettres-type de licenciement, des modèles garantis sans vice de forme et donc inattaquables, directement utilisables par les directions. « Grosso modo, tout est pré-rédigé et il n’y a plus qu’à mettre le nom de la personne dont on souhaite se séparer », s’insurge Fabrice Angei de la CGT. Les lettres couvrent la plupart des motifs de rupture de contrat (de la faute à l’inaptitude, en passant par le licenciement économique) et restent naturellement très génériques. La nouvelle Loi Travail stipule ainsi que le salarié désireux de connaître les motifs exacts de son départ aura quinze jours pour réclamer des précisions.
A partir d’aujourd’hui, on peut donc licencier comme on remplit un texte à trous. C’est beau comme une rupture par SMS.
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Malgré toutes ces nouvelles protections patronales, il arrive que certains salariés intrépides contestent et souhaitent soumettre leur cas à un tribunal prud’homal. Si la Loi Travail et les lettres-types mettent fin au « vice de forme dans la procédure de licenciement » comme motif valable de victoire du salarié, celui-ci peut encore prouver que son départ n’est tout simplement pas justifié. La notion de « licenciement abusif » existe encore, merci bien.
Elle est cependant bien encadrée, par un plancher et un plafond délimitant les indemnités susceptibles d’être accordées à l’ex-employé. Elle est, surtout, prévisible et Muriel Pénicaud n’a eu de cesse de répéter son souhait d’améliorer la visibilité des chefs d’entreprises. De là la mise en ligne sur le site-même du gouvernement d’un simulateur d’indemnités. Le dirigeant renseigne l’ancienneté du salarié ainsi que l’effectif de sa boîte et, d’un clic, connaît le montant probable de son entorse à la loi. De quoi pouvoir anticiper et vivre sa procédure prud’homale sereinement, même en cas d’abus flagrant. "Que la loi permette d'imposer un tarif, c'est une chose. Mais que le gouvernement en fasse la promotion en disant aux chefs d'entreprise: ‘faites vos calculs’, c'est choquant", estime ainsi le syndicaliste Eric Scherrer (Sesi-Unsa).
Sur ce, attendons tranquillement le volet "sécurisation des parcours" prévu pour le premier semestre 2018.