Il y a un mois tout pile, les Français prenaient connaissance du contenu du projet de loi dit « Loi El Khomri » sur la réforme du Code du Travail. Plus d’un million deux cents mille signatures, une manifestation et sept jours de concertation à Matignon plus tard, le gouvernement rend son arbitrage. Le nouveau texte, qui conclut des négociations avec les syndicaux des salariés, étudiants et patrons, se veut « dynamique et ambitieux », le "fruit d'un compromis intelligent et efficace" (selon les mots de Manuel Valls). Il a surtout pour mission d’apaiser la colère de l’opinion et de faciliter un vote du texte par les parlementaires de gauche.
Au final : pas de changement fondamental de la logique du texte, mais des garanties de sécurité données aux actifs les plus fragiles.
La mesure la plus controversée du texte n’est pas, comme l’exigeait l’intégralité des représentants des salariés, abandonnée. L’idée d’un barème d’indemnisation lié à l’ancienneté est conservée, mais seulement en tant que référentiel incitatif. Autrement dit, les juges des Prud’hommes pourront rendre leurs jugements en s'y réferrant... ou pas.
Le projet de loi prévoyait de pouvoir augmenter le temps de travail des apprentis de (huit à dix heures par jour, et de 35 à 40 heures par semaine) par simple décision de l’employeur. Le texte final renoue avec ce qui est déjà en vigueur aujourd’hui : les entreprises pourront demander des heures supplémentaires à leurs apprentis, mais devront en demander l’autorisation à l’Inspection du Travail.
Le Président souhaite faire du CPA la grande réforme sociale de son quinquennat. Pour donner des gages de sécurité aux salariés, notamment les plus fragiles, le périmètre de cette plateforme va être augmenté. Ainsi, pour les salariés sans diplôme (les plus frappés par le chômage de longue durée), le plafond des heures de formation cumulables sera relevé de 150 à 400 heures et le nombre d'heures acquises chaque année passera de 24 à 40 heures.
Autre grande nouveauté de ce texte : la création d'un "compte d'engagement citoyen" qui permettra de valoriser le bénévolat et service civique, notamment dans le cadre d'une Validation des Acquis de l'Expérience (VAE).
En revanche, le gouvernement n'a pas suivi les syndicats sur la question du compte épargne-temps : ce système qui permettait de cumuler les congés payés pour les utiliser plus tard ou se les faire payer ne sera pas inclu dans le CPA.
Le Premier Ministre Manuel Valls y tenait : les conditions de licenciement économique -que le gouvernement juge sécurisantes car objectives- seront bien redéfinies par la nouvelle loi : "une baisse des commandes ou du chiffres d'affaires, des pertes d'exploitation, une importante dégradation de la trésorerie". Les durées nécessaires de ces difficultés sera fixée par accord de branche.
Les difficultés des entreprises seront bel et bien appréciées à l'échelle nationale, et non pas du groupe dans sa globalité comme l'exigeaient les syndicats. La nouvelle version du texte renforce toutefois le pouvoir de contrôle des juges.
La loi souhaitait offrir plus de souplesse aux dirigeants en permettant aux entreprises de décider pour elles-mêmes et supplanter la loi. Autrement dit, une primauté du cas particulier (l'entreprise) sur le régime général (Code du Travail). La nouvelle version du texte réaffirme ce principe : "les règles seront définies au plus près du terrain", ce qui valide le concept de référendum d'entreprise.
En revanche, les domaines d'application de ce mode de décision seront précisément circonscrits et, si aucun accord collectif n'est trouvé, les salariés concernés continueront à dépendre des règles générales (Code et conventions collectives).
Prochaine étape : la présentation en Conseil des ministres le 24 mars, puis au Parlement en avril. Certains observateurs redoutent tout particulièrement cette étape, qui verra s'affronter les frondeurs de gauche et les déçus de droite. Le texte n'est donc pas au bout de ses peines et risque encore de subir de nombreuses modifications. Affaire à suivre.