Le flou artistique. Le sujet est épineux, et n’avait pourtant pas fait l’objet de grandes réflexions jusqu’alors. En effet, avant le vote de la Loi, étaient considérés comme économiques tous les licenciements qui ne s’appuyaient pas sur des motifs personnels, c’est-à-dire inhérents au salarié.
Pourquoi réformer ? Les dirigeants voyaient dans cette absence de motifs clairs une source de forte incertitude : les salariés pouvaient contester la validité du licenciement sur des critères autres que ceux ayant mené à la décision. Au tribunal, ladite validité était laissée à l’appréciation des juges. Les chefs d’entreprises réclamaient donc une clarification des motifs de licenciement économique ainsi qu’un plafonnement des indemnités à verser au salarié en cas de condamnation pour licenciement abusif.
Le Medef ainsi que certains députés de droite appelaient également à l’inscription des motifs valides de licenciement dans le contrat de travail.
Ce qui change avec la loi. Bien qu’inscrit dans la toute première version de la Loi Travail (celle de février 2016), le plafonnement des indemnités prud’homales a vite été retiré du projet de loi.
En revanche, le licenciement économique a bel et bien été défini comme découlant d’une « baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaire », dont l’ampleur dépend de la taille de l’entreprise. En clair, la baisse devra s’observer :
- Sur un trimestre pour les entreprises de moins de onze salariés
- Sur deux trimestres pour celles comprenant entre 11 et 50 salariés
- Sur trois trimestres pour celles entre 50 et 300 salariés
- Sur quatre trimestres pour les plus grosses
Le rôle du juge consistera donc dorénavant à vérifier la véracité de cette baisse, pour déterminer le caractère abusif ou non du licenciement.
A noter : les échanges ont été vigoureux concernant le périmètre d’appréciation des difficultés pour les entreprises multinationales. Devait-on retenir, comme le stipulait la première version la seule entreprise française (au risque de voir un groupe en bonne santé par ailleurs licencier dans l’hexagone) ? Le gouvernement a finalement changé son fusil d’épaule : un groupe ne pourra licencier dans sa filiale française si ses difficultés ne sont pas globales. En revanche, l’obligation de reclassement pour les salariés licencier demeure au niveau national.
Fini d’être sur la défensive, on passe à l’attaque. La loi prévoit actuellement des accords « de maintien dans l’emploi », dits « accords défensifs ». Autrement dit, lorsqu’elle traverse une période de difficultés, une entreprise peut proposer à ses salariés et faire voter aux organisations syndicales des modifications des conditions de travail (augmentation du temps de travail, baisse de la rémunération, ou les deux).
Ce qui change avec la loi. Le nouveau texte crée des accords « de développement de l’emploi », ou « accords offensifs ». L’objectif n’est plus d’offrir à l’entreprise les bouées susceptibles de la sauver de la noyade, mais de lui permettre d’avoir toutes les armes en main pour conquérir des parts de marché. Concrètement, il s’agit de gagner en compétitivité en augmentant la durée de travail des salariés sans augmenter leur salaire, et ce pendant deux ans maximum. Si la loi précise qu’il n’est pas autorisé de baisser les salaires (comme avec les accords défensifs), elle donne la possibilité de travailler pour gagner la même chose, ce qui implique nécessairement une baisse du revenu horaire des salariés.
Un salarié refusant un tel accord se verra licencier pour motif spécifique, lui donnant droit à un accompagnement individuel mais aucune mesure de reclassement.