Jusqu’ici, tout va bien : le principe des ordonnances est acté ; la majorité, assurée. En somme, il n’existe plus aucune barrière institutionnelle entre le gouvernement et l’adoption définitive de la Loi Travail (prévue le 20 septembre). A moins que la rue ne se réveille, que les syndicats et opposants à la réforme parviennent à recréer le bruit et la fureur qui avaient contraint Myriam El Khomri à abandonner ou tempérer certaines mesures phares de sa réforme en 2016.
Aux même maux, les mêmes remèdes. Pourquoi les Français accepteraient-ils aujourd’hui un texte dont ils ont refusé une première mouture, moins sévère, il y a quelques mois à peine ? La logique voudrait donc que cette rentrée soit célébrée dans la rue. Pourtant, rien n’est moins sûr. Les actifs sont comme anesthésiés et la colère a cédé la place à l’attente vigilante. Il faut dire que, contrairement aux idées reçues, les Français ne sont pas réfractaires à une réforme du Code du Travail ; ils sont même plus de 65 % à considérer que ce dernier n’est plus adapté dans sa forme actuelle et nécessite une remise au goût du jour*.
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Le gouvernement aurait cependant tort de voir dans ces résultats une validation de son texte. Bien au contraire, certaines mesures centrales sont loin de faire l’unanimité : 64 % des sondés ne croient pas au lien entre facilité de licenciement et hausse des embauches, ils sont en revanche 68 % à penser que l’accord d’entreprise va permettre à leur patron de réduire leurs droits. La peur prime donc sur la confiance concernant les nouvelles régulations du travail. Bien qu’imparfait, « le Code du Travail garantit dans l’esprit du salarié une forme d’équité, car il est le même pour tous », souligne le sociologue Ronan Chastellier. La possibilité de définir les règles en sein de chaque entreprise apparaît ainsi comme une menace pour les salariés, qui plébiscitent pourtant le référendum sur les questions des conditions de travail et de la rémunération notamment.
Certains points cristallisent en revanche le mécontentement, à l’instar du plafonnement des indemnités prud’homales rejeté par 64 % des sondés. Il était cependant difficile d’imaginer Emmanuelle Macron reculer sur cette mesure si médiatisée, et qu’il avait par deux fois tenté de faire passer lorsqu’il était Ministre de l’Economie.
Reculer, le président n’aura d’ailleurs pas à le faire, tant la contestation annoncée semble fragile. Contrairement à 2016, les syndicats ne sont pas vent debout contre le texte. Seuls la CGT et Sud ont appelé à manifester le 12 septembre, avant la présentation finale en conseil des ministres. Force Ouvrière a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne défilera pas, tout comme la France Insoumise qui organise son propre rassemblement de contestation le 23 septembre. Bien que « déçu » par le texte final, Laurent Berger (CFDT) ne dit pas non plus souhaiter un deuxième round social.
C’est donc sous un ciel étonnamment dégagé que le gouvernement va faire sa rentrée, avant la prochaine vague de réforme dédiée à la « sécurisation des parcours professionnels » (formation, assurance chômage) prévue avant la fin de l’année 2017.
* sondage OpinionWay publié le 30 août 2017.
RECRUT consacrera un dossier complet à ce nouveau texte dans son numéro de rentrée (disponible le 15 septembre).
Le calendrier de la rentrée31 août : présentation officielle des ordonnances 12 septembre : manifestation CGT-Sud 20 septembre : adoption de la Loi Travail en conseil des ministres 23 septembre : « rassemblement populaire » de la France Insoumise 25 septembre : publication de la Loi Travail au Journal Officiel |