N’importe quel professeur de littérature ou de cinéma vous le dira : le héros, c’est l’actant. C’est celui qui fait, celui qui décide et trouve des solutions, celui qui prend des risques. Voilà qui peut sembler basique mais constitue le socle de cet ouvrage et méritait donc d’être rappelé.
Benoît Aubert et Benoît Meyronin enseignent respectivement le marketing et le management. Confrontés à des élèves peu motivés à l’idée de « se farcir » des ouvrages théoriques, ils ont décidé de ruser en associant leçons managériales et séries télé. Ou comment faire avaler une pilule en la recouvrant de sucre.
Voici donc le héros télévisuel qui revêt les vêtements du manager ; les péripéties qu’il rencontre sont autant de questions qu’il est possible de rapprocher du monde des entreprises. « Les personnages de séries font face à des dilemmes (y compris moraux), doivent rechercher des solutions sous contraintes, entrent dans des jeux de conflits et d’alliances pour saisir ou conserver le pouvoir, doivent gérer leurs collaborateurs, innovent, etc. », peut-on lire dans l’introduction de l’ouvrage. Le parallèle semble indéniable. Comment Pablo Escobar recueille-t-il et traite-t-il l’information dans Narcos ? Un jeune manager est-il forcément moderne [The Young Pope] ? La légitimité de Don Draper [Mad Men] en tant que chef d’équipe vient-il de sa compréhension du présent ou de son anticipation de l’avenir ? Les rapprochements, loin d’être cosmétiques, sont pertinents et traités avec un indéniable sérieux. Le lecteur, même néophyte sur le sujet, se prend au jeu et essaie de mélanger ses visionnages et sa propre expérience du monde de l’entreprise. Chez RECRUT, on rêve ainsi d’un chapitre sur la rétention des talents dans Urgences ou l’éthique en entreprise par Unreal. Dans une prochaine édition, peut-être.
Derrière la motivation pédagogique, la passion des auteurs pour leur objet d’étude est palpable. « Le mot d’ordre donné à chaque auteur a été ‘faites-vous plaisir’ », déclarent-ils. D’où une liste de séries plus intrigante que racoleuse : pas de House of Cards ni de Games of Thrones, par exemple, mais certaines productions plus confidentielles comme Borgen ou Ray Donovan. Le choix est risqué mais globalement payant puisqu’il rend possible des chapitres aussi inattendus que « Le McGyverisme, ou l’ingéniosité managériale », qui compte selon les auteurs parmi les plus commentés lors des présentations de l’ouvrage. Pas étonnant !
Les plus malicieux des lecteurs tireront la pelote jusqu’au bout en se demandant si le parallèle ne vaut pas pour d’autre détenteurs du pouvoir, le politicien notamment. Nos confrères présents à la conférence de lancement ne s'en sont d’ailleurs pas privés, notamment vis-à-vis de la série The Young Pope qui voit un très jeune pape arriver à la tête de l’Eglise catholique. Toute ressemblance avec un pays de forme hexagonal ayant récemment changé de président est involontaire, bien entendu, mais pas tout à fait vide de pistes de réflexion. De quoi donner des idées à d’autres auteurs et souligner une fois de plus la richesse de ces objets de plaisir que sont les séries.
De MacGyver à Mad Men. Quand les séries TV nous enseignent le management. Sous la direction de Benoît Aubert & Benoît Meyronin En capitalisant sur le phénomène culturel majeur des séries TV, ce livre propose une exploration des questions managériales contemporaines en quatre temps : le management des Hommes, le leadership, la relation au marché et aux clients et l’innovation.
Editions DUNOD 19 € |