Depuis le 4 août dernier, les patrons des 2,5 millions entreprises françaises de moins de 20 salariés peuvent embaucher grâce à un nouveau contrat de travail : le « contrat nouvelles embauches » (CNE). Sans détermination de durée, ce contrat prévoit cependant une période de deux ans dite « de consolidation de l'emploi » pendant laquelle l'employeur peut licencier le salarié, sans justification, par simple lettre recommandée.
Ainsi, l'absence de motif est la nouveauté juridique en contradiction avec les règles en vigueur depuis 1973 et qui provoque le tollé des syndicats. In fine, nous l'avons compris, l'innovation ne réside pas dans le contrat de travail lui-même mais dans les modalités de sa rupture, rupture dont les modalités sont encadrées par la convention de l'Organisation internationale du travail du 23 novembre 1985, la Charte sociale européenne et la Charte des droits fondamentaux de l'Union qui, à elles trois, obligent l'employeur à donner un « motif valable » au licenciement, interdisent le licenciement « sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise » ou « injustifié ». Ces traités, internationaux, ont été signés par la France et s'imposent en droit interne, et peuvent être mobilisés devant les tribunaux. C'est d'ailleurs sur ces textes que la CGT et FO ont déposé un recours devant le Conseil d'Etat et le Bureau international du travail (BIT) contre le contrat nouvelles embauches (CNE).
Ainsi, pendant que le gouvernement marche sur des pattes de velours, ne s'avançant d'ailleurs sur aucune prévision chiffrée, pendant que le Medef tire inlassablement sur la couverture en demandant dores et déjà une extension du dispositif aux entreprises de plus de 20 salariés, l'opposition, relayée par les syndicats échaudés par la teneur du contrat et la chaleur estivale considèrent tout simplement que ce plan n'aura pas d'impact sur les chiffres du chômage et développera la précarité.
« Ce projet ne vise pas la croissance et la création d'emplois, mais de nouveaux moyens à la disposition des employeurs pour développer la précarité du travail », a estimé Maryse Dumas, numéro deux de la CGT.
Mais qu'en est-il de l'esprit du CNE, quelle volonté traduit-il ?
Dans son édition du 20 juillet 1993, The Economist titrait déjà de façon éloquente : « Votre entreprise a besoin de vous… pour le moment ». Dix ans plus tard, on ne parle plus que de mobilité, « Il va falloir t'y préparer, tu vas travaillez dans plusieurs entreprises tout au long de ta vie », rassure un père de famille qui accompagne sa fille dans un salon de recrutement.
Si l'esprit du contrat nouvelles embauches avait été d'assouplir le licenciement dans des entreprises de moins de 20 salariés, cet assouplissement aurait participé à la dynamique de la création d'emplois.
Pour anecdote, de 1985 à 2 000, les Etats-Unis ont perdu 42 millions d'emplois, mais pendant cette même période, 67 millions ont été crées et principalement dans les PME ! Cependant, il n'est pas question d'assouplir les motifs de licenciement mais bien de les faire disparaître.
Imaginez la pression d'un salarié en CNE après 365 jours (plus que 365 !), imaginez les abus et dérapages inhérents à une forme de licenciement « ad nutum », c'est-à-dire par « un hochement de tête ». Peut-être que bientôt, le patron d'une petite entreprise de 12 salariés arrivera tous les matins dans son bureau et, derrière la vitre qui jouxte celle des ses collaborateurs, baissera le pouce vers le bas ou hochera de la tête pour virer un salarié…