En temps de crise et de précarité de l’emploi, nous révélons bien souvent la part la plus obscure de nous-mêmes. Ambition, roublardise, flatterie et lâcheté ordinaire… Les rapports humains sont exacerbés, proches de la caricature. Qu’à cela ne tienne ! Eric Vincent a décidé de forcer le trait en réécrivant à sa manière –celle de l’homo economicus des années 2000– les indémodables Fables de Jean de La Fontaine. Le résultat s’appelle Les Fabuleuses fables managériales : nous les avons lues pour vous.
Telle la cours du roi, l’entreprise compte son lot d’ambitieux, de fayots, de flatteurs, de faux-culs, de puissants mégalo, vieillissants. Entre les acteurs de notre quotidien en entreprise et les animaux des fabulistes, il n’y a donc qu’un pas, que l’entrepreneur et nouvellement auteur Eric Vincent a décidé de franchir avec humour.
Sous sa plume, la Cigale devient une PME qui se trouve « fort dépourvue » à l’heure du bilan, la Grenouile-manager veut se faire aussi grosse que le Bœuf-dirigeant tandis que le Pot de terre prend la forme d’une start-up brisée par une multinationale à la santé de fer. Les situations sont multiples et l’auteur semble attaché à couvrir toute la diversité des mœurs d’entreprise, une observation menée pendant des années auprès des grands groupes nationaux et internationaux avec lesquels il travaille.
Bien sûr, toutes les adaptations ne se valent pas ; on est ainsi peu convaincu par le message de « La pub et le téléspectateur » qui, reprenant « Le corbeau et le renard », fait contre toute logique du petit écran une victime du spectateur. En revanche, on apprécie la modestie de l'auteur, qui met en miroir ces fables à leur modèle et permet dont au lecteur de redécouvrir la plume éminemment moderne de La Fontaine, dans un autre contexte qu’une salle de classe.
Preuve que si les temps changent, les êtres restent peu ou prou les mêmes.