Quand on entre dans la vie active, c’est à double tranchant : soit on se plaît dans son entreprise, soit on souhaite la quitter ! Pour cette seconde option, la loi prévoit trois moyens : la démission (toujours à l’initiative du salarié, elle doit être claire et non équivoque), le licenciement et enfin, depuis peu, la Rupture Conventionnelle Homologuée (RCH pour les intimes). En clair, dans ce dernier cas, employeur et salarié veulent tous les deux mettre fin au contrat de travail sans passer par une procédure compliquée. Afin de mieux appréhender la RCH, nous avons eu la chance d’interroger Ludovic Roche, un avocat spécialisé dans le droit social et Associé du cabinet d’avocats international Fasken Martineau.
Quelles sont les conditions de validité de la rupture conventionnelle du contrat de travail ?
La Rupture conventionnelle Homologuée (RCH) ne concerne que les salariés en Contrat à Durée Indéterminée (CDI). Il y a signature d’une RCH lorsque le salarié et l’employeur désirent tous les deux mettre fin au contrat de travail qui les lie sans devoir réciproquement justifier les raisons de ce départ. La RCH est l’objet d’une procédure qui doit impérativement être respectée : tout d’abord, il y a plusieurs entretiens entre l’employeur et le salarié (qui peut être accompagné s’il le désire) et au cours desquels les modalités du départ seront discutées. A l’issue du dernier entretien, les deux parties signent un formulaire administratif récapitulant les informations relatives à chacune d’entre elles, la procédure suivie, les indemnités que touchera le salarié et enfin la date à laquelle la rupture deviendra effective (donc le dernier jour de travail de l’employé).
Ensuite, la Rupture Conventionnelle est envoyée à la Direccte (administration du travail), après un délai de rétractation légal de 15 jours calendaires.
Enfin, la Rupture conventionnelle est homologuée sous 15 jours ouvrables (le silence de la Direccte vaut acceptation de la RH), après vérification par la Dirrecte que la procédure a bien été respectée, que les droits financiers du salariés seront bien payés et que ce dernier a donné son consentement à la RCH de façon libre et éclairée, sans aucune contrainte.
Dans quelles situations l’employeur et le salarié signent-ils une RCH ?
La RCH a été mise en place depuis le 25 Juin 2008 et a connu un succès auprès des entreprises, tant auprès des employeurs qu’auprès des salariés. On a constaté que les RCH étaient plus facilement signées dans les PME et auprès des salariés de plus de 58 ans (donc proches de la retraite). De manière générale, on peut dire qu’en pratique, les employeurs et les salariés se mettent d’accord pour signer une RCH quand le salarié n’est plus heureux au sein de l’entreprise (il sent qu’il serait préférable de partir ou il a un autre projet professionnel) et quand parallèlement l’employeur n’est pas satisfait du travail de son salarié ou consent à s’en séparer en raison des services rendus à l’entreprise.
Quels sont concrètement les avantages de la rupture conventionnelle pour les 2 parties ?
Les avantages sont assez clairs pour les deux parties : le salarié bénéficie des indemnités relatives au licenciement normal (à l’exception du préavis car, souvent, la RCH devient effective peu de temps après l’homologation administrative), ainsi que du régime d’assurance chômage (qui n’est normalement accordé qu’en cas de licenciement). Le salarié reçoit donc concrètement ses éléments de salaire jusqu’à son départ, ses congés payés et ses indemnités spécifiques de rupture (qui correspond au moins au montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement).
Pour l’employeur, cette rupture lui permet de mettre fin au contrat de travail grâce à une procédure rapide et il n’a pas besoin de motif (qu’on appelle cause réelle et sérieuse) pour mettre fin au dit contrat.
À noter cependant que le recours à ce mécanisme ne permet pas à l’employeur de détourner les règles du licenciement économique ni de viser un salarié en congé maladie ou sur le point d’être déclaré inapte.
Quelles sont les grandes différences entre la rupture conventionnelle et un accord à l’amiable ?
La rupture amiable hors RCH, communément appelée départ négocié, s’inscrit souvent dans le cadre économique d’un plan de départs volontaires ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Son cadre est donc extrêmement différent et beaucoup plus contraignant que celui de la RCH, qui ne nécessite pas de justifier d’un motif et dont la signature doit simplement être exempte de tout vice du consentement.
Qu’est ce qui a motivé le jugement de la chambre sociale de la cour de cassation du 23 mai 2013 ?
C’est une décision très intéressante. En effet, jusqu’à présent, une partie de la jurisprudence prévoyait que pour signer une RCH, il ne devait y avoir aucun conflit entre les parties, ce dernier étant jugé contradictoire avec les principes de l’absence de motif et du libre consentement. Dans cette affaire, la salariée avait été menacée de licenciement personnel par son employeur si elle ne signait pas une RCH. La salariée a signé mais a poursuivi son employeur en justice car elle soutenait avoir été contrainte de signer cette RCH. La Cour d’Appel lui a donné raison, ainsi que la Cour de Cassation, qui a jugé que si un conflit ouvert entre les parties n’était pas un obstacle à la conclusion d’une RCH, encore fallait-il que le consentement de la salariée n’ait pas été donné sous la contrainte. Et c’est ainsi que l’intéressée, forcée de signer la RCH sous peine d’être licenciée, a obtenu les indemnités et dommages intérêts correspondant à un licenciement abusif.
En d’autres termes, l’existence même formalisée d’un désaccord entre les parties laisse aujourd’hui ouverte la voie de la RCH (jusqu’alors déconseillée dans un tel cas de figure), pour autant que le consentement du salarié ne soit pas obtenu sous la contrainte. Ce qui promet à ce mode alternatif de départ de beaux jours encore à vivre…