Quel est le niveau réel d’engagement des Français en entreprise ? Leurs talents sont-ils suffisamment exploités ?
Voici pour vous les résultats étonnants d’une étude menée en septembre 2002 par Gallup et l’IFOP sur une population représentative des salariés en France.
Société internationale de conseil en management et management de la performance, Gallup Organization applique à l’échelle des nations un modèle d’analyse comportementale destiné aux entreprises.
Sa mission : aider les entreprises à améliorer durablement leurs performances en libérant les forces de contribution liées aux talents des individus.
Gallup aide ainsi les managers à transformer les talents de leurs collaborateurs en performances.
La société emploie 3 000 chercheurs et consultants répartis sur 32 pays : aux Etats-Unis, au Canada, en Allemagne, en France, en Espagne, en Hongrie, au Japon, en Inde, en Chine, à Singapour,… mais aussi en Amérique du Sud, au Moyen-Orient,…
Gallup compte parmi ses clients des sociétés telles que BASF, Citybank, Delta Airlines, Euro Disney, Hyatt, HP, IBM, Intel, Marriott, Microsoft, Nissan, Procter & Gamble, SAP, Toyota, Volkswagen,…
Connaître l’implication des salariés
Régulièrement, Gallup réalise dans neuf pays, dont la France, un benchmarking de l’implication des salariés au sein de leur entreprise.
Ainsi, en septembre 2002, Gallup France a reconduit un sondage auprès d’un échantillon de 1000 personnes représentatives de la population active française âgée de 18 ans et plus.
Trois types de questions ont été posés aux salariés. Il s’agissait, dans un premier temps, d’identifier les causes de leur engagement ou de leur absence d’engagement.
Et, dans un deuxième temps, de mesurer les conséquences et les symptômes de ce degré d’engagement.
Gallup a également posé aux sondés un certain nombre de questions classiques de caractère démographique afin d’étudier les résultats en France notamment par région, taille des entreprises, âge, sexe et niveau de formation des salariés.
Enfin, les résultats de l’étude menée en France ont été mis en perspective par rapport à ceux de l’année 2001 et par rapport aux autres pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord.
Trois types de salariés
Les réponses données par les salariés ont permis de classer chacun des sondés dans une des trois catégories suivantes : « Engagé », « Non engagé » ou « Activement désengagé ».
La catégorie des salariés « engagés » représente les salariés motivés et participant activement aux résultats de leur entreprise.
Associant volontiers leur épanouissement personnel à la bonne marche de l’entreprise, ils sont prescripteurs des produits de leur entreprise.
Les salariés « non engagés » sont ceux qui travaillent de manière neutre et qui sont susceptibles d’évoluer en fonction des circonstances dans un sens positif ou non.
Enfin, les salariés « activement désengagés » représentent les salariés dotés d’un profil psychologique négatif, tendant à faire partager leur vision négative des choses et souvent mal à l’aise tant au travail que dans leur vie personnelle. Ils peuvent aller jusqu’à lutter contre les intérêts de leur entreprise.
Des résultats surprenants
Les résultats obtenus par Gallup en septembre dernier sont saisissants : 6 % des salariés français seulement pouvaient être qualifiés d’engagés et 26% se positionnaient comme activement désengagés !
Le constat est alarmant mais peut sans doute peut-il être tempéré. La détérioration de la conjoncture économique, avec son lot de réductions d’effectifs, de fusions et d’acquisitions, a pu affecter le moral des troupes et démotiver certains salariés.
Sans oublier notre indiscutable réputation de peuple râleur… qui a certainement poussé beaucoup des sondés à noircir le trait.
S’il existe toujours une marge d’erreur dans les sondages, ces résultats, comparés à ceux de décembre 2001, permettent au plus prudent de constater, tout au moins, une tendance à la baisse de l’engagement des salariés en France.
De 9 % de salariés « engagés » en décembre 2001- taux déjà inquiétant -, ils n’étaient plus que 6% en septembre 2002.
A l'inverse, la part des salariés activement désengagés baisse de deux points, au profit de la masse des salariés « neutres » qui représentent aujourd'hui plus des deux tiers des salariés de l'enquête.
Analyse multicritères du résultat du sondage
Dans un second temps, Gallup a croisé l’engagement des salariés avec un certain nombre de critères démographiques.
Ces différentes études permettent de remarquer les tendances suivantes, tout en gardant en mémoire les précautions d’usage liées à la lecture des sondages (dues en particulier aux faibles effectifs de certaines sous-catégories au sein de l’échantillon de 1000 personnes).
Engagement et jours de travail manqués
Les salariés dits « engagés » ont manqué, en moyenne, 6,7 jours de travail durant les 12 derniers mois, hormis les congés payés.
La moyenne passe à 13,8 jours de travail manqués pour les gens activement désengagés.
On voit ici un des coûts indirects du désengagement pour la collectivité : de la perte de productivité directe en entreprise aux risques de démotivation des salariés qui, eux, assument par leur présence la responsabilité des absents.
Engagement et taille d’agglomération
Plus la taille de l'agglomération est grande plus le pourcentage des engagés diminue. Il semble évident que les conditions de vie et les conditions et durées de transport entre domicile et lieu de travail sont des facteurs influant sur l’engagement des salariés.
Il existe un paradoxe concernant les communes rurales dans la mesure où celles-ci réunissent à la fois le meilleur taux d’engagement (8 %, contre 3 % pour l’agglomération parisienne) et un pourcentage conséquent d’activement désengagés (32 %).
Engagement et classe d’âge
Quel âge ont les salariés les plus investis ? On pourrait penser que les plus jeunes sont les plus motivés. C’est faux : 4% seulement des 18-24 ans sont classés dans la catégorie des salariés « engagés ».
La palme revient en fait au 25-34 ans avec 7% d’ « engagés », talonnés de près par les 35-49 ans et les 50-64 ans avec 6%.
Engagement et niveau de formation
L’étude révèle que l’engagement n’est pas directement corrélé au niveau de diplômes. S’agit-il d’un niveau d’exigences élevé de la part des plus diplômés envers leur environnement de travail ?
Le taux d’engagement des moins diplômés est-il lié à un besoin de compenser ce manque de formation initiale ?
Engagement et dimension de l’entreprise
Comme pour les agglomérations, on constate que c’est dans les entreprises de dimension que les salariés sont les plus engagés. Bref, le bonheur est dans le pré, au sein d’une PME.
Engagement et ancienneté dans l’entreprise
On remarque un effet « lune de miel » qui s’estompe après un an passé dans l’entreprise. Toutefois, l’engagement remonte pour les fortes anciennetés.
Engagement et sexe
Bien que le pourcentage d’engagés soit sensiblement le même, on observe que la population féminine est globalement moins sujette au désengagement (22% d’activement désengagées contre 29% pour les hommes).
Des analyses plus fines permettent d’affirmer que, à âge constant, les femmes sont systématiquement plus engagées que les hommes.
Engagement et région
L’étude démontre que les deux régions de France les moins « engagées » sont la Région parisienne et le pourtour méditerranéen. Or, l'IFOP affirme que ces deux régions sont les précurseurs des grandes tendances socioculturelles de l’Hexagone.
Ce facteur laisse donc craindre une montée en puissance du désengagement des salariés français vis-à-vis de leur entreprise.
Engagement et recommandation des produits/services de la société
Les salariés engagés sont susceptibles, neuf fois plus que les « activement désengagés », de recommander les produits et services de leur société aux personnes de leur entourage.
L’analyse des réponses permet d’affirmer que les « engagés » sont des agents de promotion, des ambassadeurs, des avocats, voire des prescripteurs de leur entreprise.
Les Français à la traîne
La comparaison avec les autres pays dans lesquels Gallup a réalisé son enquête n'est guère flatteuse pour la France. Avec 26% de salariés désengagés, notre pays fait figure de plus mauvais élève.
Loin devant la Grande-Bretagne, avec 20% de salariés désengagés, et Singapour où ces derniers ne représentent que 12% .
A l'inverse, les meilleurs élèves sont apparemment les salariés américains avec 30% de collaborateurs engagés.
Comparons avec les Etats-Unis
Les derniers sondages aux Etats-Unis donnent un taux d’engagement de 30 % de salariés engagés (6 % en France), 54 % de non engagés (68 % en France) et de 16 % d’activement désengagés (26% en France).
Une étude comparative des réponses françaises et des réponses américaines a permis d’isoler les quatre questions où les Français accusent le plus fort déficit par rapport à leurs confrères américains.
Ces questions sont les suivantes : « Au cours de la semaine dernière, j’ai reçu des marques de reconnaissance ou des félicitations pour avoir bien effectué mon travail. » ; « Mon supérieur direct ou une autre personne de ma société semble s’intéresser à moi en tant qu’individu. » ; « Il y a quelqu’un au travail qui encourage mon développement. » ; « Au cours des six derniers mois, quelqu’un au travail m’a fait part de mes progrès. »
Les Français marchent à l’affectif
Force est de constater que ces questions se rapportent aux marques de reconnaissance positive reçues par le salarié et à la fréquence de cette reconnaissance positive.
Par ailleurs, il est à noter que ces marques de reconnaissance ne sont pas le seul fait de la hiérarchie. Il semble qu’il y ait un réel déficit de reconnaissance positive au sein de l’entreprise en France.
Ceci explique cela : le Français carbure à l’affectif, d’où certainement la prédominance de salariés dits « engagés » au sein de structures de petites tailles, plus « humaines », où chacun mesure, quotidiennement, la portée de son travail, et se lie, plus facilement, avec ses collègues.
En conclusion : salariés, commencez par être avec vos collaborateurs comme vous aimeriez que votre boss soit avec vous.
En leur témoignant d’un peu plus d’attention, vous rendrez la vie au sein de votre entreprise plus épanouissante, plus dynamique et plus productive.
Et vous les managers, forcez-vous aussi un peu ! Lorsque vous êtes contents du travail de vos salariés, exprimez-leur votre satisfaction, ils n’en seront que plus performants !