L’histoire du réverbère
On a des traces des réverbères depuis l’Antiquité. Ils étaient installés dans les grandes villes pour éclairer les ruelles coupe-gorge et en améliorer la sécurité. En 1667, la ville de Paris fait établir 6 500 lanternes fixes dans la ville et ses faubourgs, puis dans tout le pays. Deux années plus tard, en 1669, une médaille avec la légende « Urbis securitas et nitor » (« la sûreté et la netteté de Paris ») est même frappée.
Ces lampadaires fonctionnent grâce à une chandelle et un système de poulie. A cette époque les allumeurs travaillent par deux, l’un tenant la corde, l’autre allumant la chandelle. En 1776, le réverbère à huile fait son apparition dans les rues de la capitale. Peu de temps après, en 1812, les becs de gaz remplacent progressivement les réverbères à huile. Le bec de gaz est une lampe fonctionnant grâce au gaz d’éclairage. La première ville à en être équipée est la ville de Bruxelles. Au 19esiècle, le réverbère devient essentiel à Paris, la population urbaine grandissant avec l’exode rural croissant. Ce métier devient alors une figure emblématique de Paris.
A la fin du XIXèmeesiècle, Thomas Edison invente l’ampoule électrique et la présente lors de l’exposition universelle de Paris en 1889. Les allumeurs, qui se croyaient jusque là à l’abris du chômage, sont contraints de se reconvertir. Beaucoup restèrent employés municipaux et furent chargés d’installer ces nouveaux lampadaires électriques, d’entretenir les armoires électriques et de remplacer les ampoules.
Le quotidien du métier
Les allumeurs étaient des employés de la mairie. Le métier d’allumeur était un métier précaire, qui s’exerçait souvent en complément d’une autre activité. Le revenu était maigre, environ 3 francs, l’allumeur devait faire face aux intempéries et n’avait aucun jour de repos. A 6 heures du matin, il devait se rendre au bureau, où les commis surnuméraires vérifiaient son heure d’arrivée, n’hésitant pas à soustraire 0,50 franc de son salaire si un retard était constaté.
Ils étaient chargés d’éteindre et de nettoyer les lampes, au petit matin, puis ils exerçaient une autre activité la journée. Leur travail d’allumeur reprenait le soir : ils disposaient de 40 minutes pour allumer les réverbères dont ils étaient responsables. Les horaires et les quartiers étaient fixés par le préfet de police.
A l’origine les allumeurs travaillaient par deux, puisque l’un devait tirer la corde avec un système de poulie pendant que l’autre allumait la chandelle située dans le quinquet. Avec l’apparition en 1667 des lampadaires fixes, l’allumeur fut désormais seul à allumer ses réverbères. Il se munissait alors de longues perches pour atteindre la lampe ou bien d’une échelle. Avec l’arrivée des lampes à huile, on raconte que les allumeurs étaient imprégnés de cette odeur, ce qui les rendait peu fréquentable durant leur service !
Ce que l’on retient aujourd’hui de ce métier
Il reste en France un dernier bec de gaz d’origine situé à Malakoff. Il a été sauvé de l’électrification dans le milieu des années 1970, et a été surnommé Léon par les habitants du quartier. Aujourd’hui, il est même préservé par une association. Dans d’autres villes de France comme Grenoble ou Strasbourg, on peut trouver des réverbères à gaz, mais ce sont des reproductions récentes.
Cependant, bien qu’il ne reste que peu de souvenirs matériels de cette époque, la littérature, la photographie, la peinture et la chanson nous remémore cet ancien temps. Dans son célèbre livre Le Petit Prince, Antoine de Saint-Exupéry nous narre le quotidien d’un allumeur de réverbère, chargé de parcourir le monde pour en éclairer ses rues. « Peut-être bien que cette homme est absurde. Cependant il est moins absurde que le roi, que le vaniteux, que le businessman et que le buveur. Au moins son travail a-t-il un sens. Quand il allume son réverbère, c'est comme s'il faisait naître une étoile de plus, ou une fleur. Quand il éteint son réverbère ça endort la fleur ou l'étoile. C'est une occupation très jolie. C'est véritablement utile puisque c'est joli. » écrit-il.
Du côté de la photographie, Brassaï est l’un des artistes à avoir immortalisé cette pratique ancestrale. Amoureux de Paris et de sa vie nocturne, l’allumeur de réverbère incarne pour lui une tradition perdue.
Quant à la littérature, le premier à écrire sur cette profession est le librettiste Adrien-Joseph Le Valois d'Orville en 1746, avec Les Nouvelles Lanternes : « Dans son centre une mèche, avec art enfermée, Frappe un réverbère éclatant, Qui, d'abord la réfléchissant, Porte contre la nuit sa splendeur enflammée».