La question posée à la Commission Européenne des Droit de l’Homme en cette fin d’année 2015 était tout à fait d’actualité : il s’agissait de délimiter les droits de l’employeur et de son salarié concernant l’utilisation d’internet. Vie privée contre oisiveté au travail, la réponse n’est pas toujours évidente.
Le cas qui occupa la Commission Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) en cette fin d’année remonte en réalité à 2007. B. B., salarié roumain, est licencié par son employeur pour avoir utilisé un service de messagerie instantanée sur son lieu de travail et pendant ses heures en poste. Pour ledit salarié, les discussions via ce type de messagerie sont par définition personnelles et le reproche de son supérieur constitue donc une atteinte à sa vie privée. La CEDH lui a donné tort.
« Il n’est pas abusif qu’un employeur souhaite vérifier que ses salariés accomplissent leurs tâches professionnelles pendant les heures de travail », estime la Commission. Sous-entendu : la rémunération horaire qu’il verse lui donne le droit de vérifier l’occupation productive des dites heures. Il n’est donc pas inconcevable qu’il soit doté d’un outil lui permettant de surveiller les activités des employés. Pas de quoi donner aux patrons l’envie de se la jouer Big Brother : le salarié ne saurait être surveillé malgré lui, ni se voir reprocher ses « surfs privés » si le règlement interne ne le prévoit pas.
C’est d’ailleurs sur ce point que repose la validité du licenciement : le salarié est accusé non pas d’avoir flâné, ni même d’avoir introduit des éléments privés sur son lieu de travail, mais d’avoir détourné des outils professionnels. Si prouver l’incidence de ces pauses improvisées sur la productivité du salarié est compliqué, il est possible d'arguer qu’il utilise des outils appartenant à l’entreprise à des fins personnelles.
La CEDH n’a pas plus non plus retenu la soi-disant intrusion de l’employeur dans la sphère privée du salarié, considérant que toute activité, tout message reçu sur un poste professionnel pendant les heures de travail est présumé avoir un caractère professionnel. La hiérarchie peut donc les consulter.
La législation française tolère que l’employé s’accorde quelques pauses… dans la mesure du raisonnable. Et c’est là qu’elle montre ses limites ; chaque juge navigue en effet dans un « flou artistique » l’invitant à fixer sa propre limite du raisonnable. Dernière cas en date : le tribunal d’Aix-en-Provence a ainsi validé le « licenciement pour cause réelle » d’une salariée accusée de passer une heure par jour sur internet à des fins personnelles.
En revanche, la loi est plus claire concernant la correspondance. Tout message échangé via une boîte mail professionnelle est considéré comme relevant de l’entreprise, et peut donc être lu par l’employeur, y compris en l’absence du salarié. Si celui-ci précise dès l’objet « Privé » ou « Personnel », il protège ses échanges par le « secret des correspondances » et interdit de ce fait à son employeur de les ouvrir. Si ce dernier redoute l’échange d’informations confidentielles, il peut demander à lire ces messages, à condition cependant de faire appel à un huissier.
Au boulot, faites donc preuve de mesure dans votre utilisation d’internet et de rigueur dans la gestion de vos mails.
EN BREF Chaque employé passe 50 minutes par jour (soit 25 jours par an) à faire des recherches personnelles sur internet pendant son temps de travail. Selon une enquête menée par Olfeo dans cinq pays d’Europe, ces pauses improvisées provoqueraient une chute de la productivité de 10, 2 % ou 1,2 mois de salaire tous les ans. |