Une réforme peut en cacher une autre. Moins d’une semaine après avoir rendu public la refonte du Code du Travail, le gouvernement a dévoilé son plan de réforme pour les indépendants. Jugé trop complexe, trop défaillant, le RSI (régime social des indépendants) faisait l’unanimité contre lui. Il est donc tout naturellement condamné à disparaître.
On le sait, Emmanuel Macron est fan de l’entreprenariat, qui constitue pour lui l’avenir du marché du travail et un moyen d’épanouissement personnel. C’est ce qu’il avait –maladroitement– tenté d’exprimer en exhortant les jeunes à « devenir milliardaires » ; c’est ce qu’il soutient aujourd’hui par sa réforme du régime des indépendants. En pleine visite d’un salon de coiffure, le Premier Ministre Edouard Philippe ne dit pas autre chose. « Nous voulons faire en sorte que les gens s’engagent, qu’ils prennent leurs risques, créent de l’activité et des emplois. »
L’objectif du gouvernement est clair : simplifier et encourager la décision d’entreprendre. De là une réforme en trois axes.
Des formulaires, déclarations et problèmes techniques à gogo… le RSI était perçu comme une véritable usine à gaz ; il sera aboli dès janvier prochain et adossé au régime général. D’ici à 2020, les indépendants n’auront par ailleurs qu’une seule déclaration à remplir.
Par ailleurs, les seuils de chiffre d’affaires seront doublés à 170 000 € annuels pour les activités commerciales et 70 000 € pour les activités de service.
Pour compenser la hausse de la CGS, le gouvernement annonce une baisse des cotisations famille dès janvier 2018. Le niveau de cotisation restera globalement inférieur à celui des autres régimes : 33 % pour les indépendants, contre 44 % pour les salariés.
Par ailleurs, une « année blanche » (soit une exonération du paiement des cotisations sociales) sera accordée dès 2019 aux microentreprises pour leur première année d’activité, dans la limite de 30 000 € de CA. Celles enregistrant moins de 5000 € de chiffre d’affaires seront quant à elle dispensées de payer la CFE (cotisation foncière des entreprises).
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Cette réforme est, selon l’aveu du Premier Ministre, la première d’une série dont les prochains volets seront annoncés sous peu. « Nous voulons renforcer la protection sociale des indépendants pour la rapprocher de celle des salariés. » Dans le viseur, notamment, l’universalisation de l’assurance chômage [voir article dans ce même numéro p. XXX] et l’ouverture du congé maternité aux indépendants, toutes deux votées dès cet automne.
En 2017, le RSI concernait 6,6 millions d’actifs. Mais sous le terme générique « travailleurs indépendants » se cache une multitude de réalités : microentrepreneurs, certes, mais aussi artisans, commerçants, professions libérales, freelances… Les premiers, en particulier, tire vers le haut cette catégorie particulière de travailleurs.
Au-delà de son succès croissant, le travail indépendant risque fort de concentrer les débats dans les années à venir, en ce qu’il est la pierre angulaire sur laquelle repose les phénomènes d’ubérisation et de micro-travail. L’enjeu, auquel ne répond pas encore cette réforme, est donc de définir et sécuriser ces situations particulières qui voient un microentrepreneur entretenir des relations exclusives avec un client (la plateforme). Celle-ci ne gênant pas pour modifier régulièrement les conditions de rémunération, la grogne monte et les manifestations se multiplient à l’instar des livreurs Deliveroo, qui ont multiplié les actions dans la capitale au cours de l’été. Aux Etats-Unis, Uber voit également fleurir les procès l’invitant à requalifier ses travailleurs indépendants en salariés. Le débat ne fait que commencer en France.