Le prix parole-patient 2013 a été décerné à Hugot Horriot pour son roman L’empereur, c’est moi. Ce livre est une histoire vraie, c’est le récit d’un enfant autiste asperger qui a réussi à sortir de la prison de ses rêves. Aujourd’hui comédien, son texte nous donne les clefs de son comportement. Retour sur un témoignage émouvant, qui n’est pas sans rappeler le roman que l’écrivaine François Lefèvre, sa mère, lui a consacré dans son livre Le petit prince cannibal.
Bien que Hugot Horriot se soit exprimé lors de la journée de l’autisme et donné son opinion sur les traitements existants en France, il n’emploie jamais les termes « autisme » et « autiste » dans son récit. Une manière de s’adresser, au delà de cette maladie, à tous ceux qui ont ressenti la souffrance de ne pas correspondre à la norme, à tous ceux qui sont dotés d’une sensibilité à fleur de peau et qui ne comprennent pas le monde qui les entoure -un monde jugé souvent absurde.
L’empereur, c’est moi, c’est d’abord le récit du petit Julien (premier prénom de l’auteur), cet enfant qui ne parle pas jusqu’à l’âge de 5 ans. Il nous donne les clefs de son comportement autistique : s’il fait tourner des roues pendant des heures, ce n’est pas par folie, mais parce qu’il a trouvé le moyen d’être à l’unisson avec la terre qui tourne sur elle-même. Une façon pour lui de « toucher l’infini », « l’éternité ».
Il y a aussi ce jardin d’enfants qu’il n’aime pas. Quelle utilité y a t’il a chanter en chœur« Ainsi font, font, font, les petites marionnettes » ? Il trouve l’endroit tout simplement stupide, alors il ne fait rien et ne dit rien car il veut qu’on le laisse tranquille.
Il y a la maternelle où il n’est pas question de répéter les âneries que les grandes personnes disent à longueur de journée et que les enfants répètent comme des perroquets. Julien lui comprend tout ce qu’on lui dit et ne ressent pas le besoin de le démontrer. Il n’a rien à dire, rien à prouver, qu’à cela ne tienne !
Puis un jour, à l’âge de 6 ans, l’enfant décide de « tuer Julien » car « il n’était pas très intéressant ». Sa mère propose en alternative son deuxième prénom « Hugo », il accepte. « Le roi est mort. Vive le roi ! » s’exclame-t-il. Place au nouveau « moi », « l’empereur suprême » de son royaume, celui qui est assez fort pour combattre et piétiner ce Julien qui le hante.
A l’âge de 7 ans, il échappe de peu au fait de devenir un « être de haine, emmuré dans la souffrance », à cause d’une maîtresse dépressive qui hurle sur tous les enfants et encore plus sur lui qu’elle ne comprend pas. Heureusement, la mère veille au grain : elle ne lui laisse pas le temps de construire des fondations d’une tour impénétrable et le change d’école aussi sec.
Puis vint la période du collège, avec la cruauté dont peuvent faire preuve les enfants. Il souffre, mais jamais il ne baisse les yeux. Il y a aussi la pitié qu’il ressent dans le regard de ses professeurs, un sentiment pour lui si méprisable qu’il finit par se haïr.
Alors il décide de se rebiffer : encore plusieurs années à tirer, et bien soit, s’il ne peut se défendre par les coups, il va combattre par la parole. Ce sont les mots qui le sauveront, « ce sont eux qui tueront » écrit-il.
L’enfant qui jadis ne parlait pas ou très peu, se met à discourir longuement dans un langage soutenu. Convocation de sa mère par la professeure de français : « Madame, il y a un problème : votre fils. Votre fils parle un langage soutenu. Ce serait bien qu’il cesse et qu’il se mette au niveau de ses camarades ». Colère de Hugo devant l’absurdité de cette requête, lui qui s’est battu pour parler au monde, pour s’ouvrir à lui, voici que maintenant ils veulent confisquer sa langue pour l’abaisser à la médiocrité générale.
Puis, voici le temps des menus victoires, Hugo est élu délégué général de sa classe à l’unanimité. Sa fougue a convaincu. Il maîtrise désormais la communication, mais ne possède encore aucune ouverture. « Plus tard, bien plus tard, j’apprendrai à desserrer les boulons » écrit-il.
Hugo a 13 ans. C’est l’âge où il devient « acteur » dans un film que tourne un de ses camarades pour présenter le livre qui parle de lui « Le Petit Prince Cannibale ». Un film est né, un nouveau pan de sa vie aussi. D’abord des navets, puis des films avec « des caméras plus grosses », puis le théâtre. Enfin un endroit où il se sent bien.
Le théâtre du jour à Agen avec sa première pièce de Tcheckov, La Demande en mariage, lui permet pour la première fois de « respirer », de « créer un langage avec des nouvelles formes ». L’orage de l’autisme est passé. Il est sauvé et désormais comédien.
L’empereur, c’est moi, d’Hugo Horiot, édition L’Iconoclaste.
Pauline de Waele