Aujourd’hui, les entreprises n’ont qu’un mot à la bouche –collaboration– et cela n’est pas sans conséquence sur les espaces de travail, qui privilégient de plus en plus l’open space au détriment des bureaux plus compartimentés. Or, loin de nous inviter à imiter les Etats-Unis et leurs immenses espaces de travail décloisonnés, une nouvelle étude signée STEELCASE nous indique que les entreprises françaises devraient y réfléchir à deux fois avant de céder aux sirènes de la collaboration à tout prix. RECRUT.COM vous en dit plus…
Le rapport au travail change ; le rapport au bureau (compris aussi bien comme table de travail que comme pièce), aussi. Si, auparavant, se voir doter d’un bureau fermé était signe de réussite, l’adoption du travail d’équipe comme nouveau graal de l’innovation a poussé les équipes dirigeantes à sortir de leurs quatre murs pour renouer avec les joies de la communauté. L’union fait la force, et c’est donc tout naturellement que certaines entreprises (notamment aux Etats-Unis, culture pourtant attachée à la réussite individuelle et à ses symboles) ont abattu leurs murs comme autant de symboles de hiérarchie, au profit de grands espaces en open space. L’objectif : favoriser l’échange d’informations et d’idées, et replacer les équipes au cœur de la dynamique de l’entreprise.
Le choix de telle ou telle organisation des bureaux est tout autant stratégique que symbolique. Elle reflète un esprit corporate, comme l’affirment les 97 % d’employés qui constatent que leur espace de travail favorise le sentiment d’appartenance à l’entreprise et sa culture. Le bureau, c’est donc en entreprise l’espace d’expression individuelle par excellence, une zone de confort que l’on customise et que l’on s’approprie.
Cependant, l’évolution des conditions de travail soulève aujourd’hui deux questions :
- Le besoin de collaborer ne vient-elle pas heurter la nécessaire intimité de chaque collaborateur ?
- Quelles sont les conséquences de la nouvelle mobilité induite par la technologie sur les espaces de travail ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : alors que 66 % des entreprises mondiales incluent des zones d’open space, seuls 11 % des salariés se déclarent « très satisfaits » de leur espace de travail. Sont cités parmi les désagréments le bruit et les interruptions constantes (toutes les trois minutes en moyenne) qui nuisent à la concentration et augmentent la fatigue. A l’échelle des entreprises, la collaboration à tout prix présente également deux conséquences négatives, en ce qu’elle prive le groupe des idées des salariés introvertis (qui seront étouffés par la masse) et nuit à la créativité en développant un « effet de groupe », où tous les salariés se plient à la voix dominante sans oser exprimer un avis contraire. A cela s’ajoute le manque de temps accordé pour la réflexion personnel ; constamment ouvert aux autres, l’employé n’a plus le temps de réfléchir par lui-même et développer des pistes de réflexion nouvelles.
D’où la « fuite » de plus en plus de collaborateurs, qui se parent d’écouteurs ou choisissent de travailler chez eux/dans un café. Regardée avec beaucoup de méfiance par les managers français, qui ont tendance à y voir une désertion, cette attitude doit surtout s’interpréter comme un désir de retrouver le contrôle sur ses espaces et rythmes de travail. Doté d’appareils mobiles et capables de transporter l’intégralité de leurs dossiers sur une simple clef, les actifs abolissent la notion de « bureau ». Tiraillés entre les bienfaits de la socialisation et la liberté de la mobilité, ils conditionnent leur implication au travail par leur capacité à pouvoir jongler entre travail en groupe et réflexion personnelle, entre brainstorming et calme.
La notion d’intimité est à redéfinir non plus comme étant exclusivement physique, mais plutôt comme la possibilité de pouvoir se retrouver mentalement, de pouvoir prendre le temps de travailler et réfléchir à son rythme.
Ce constat implique deux axes de travail pour les managers :
- La redéfinition de l’espace de travail, qui doit permettre à la fois les travaux de groupes et les parenthèses au calme ; autrement dit, un équilibre entre espaces ouverts et bureaux compartimentés.
- Une réflexion sur la marge de manœuvre à laisser aux collaborateurs, qui doivent rester maître de leur mobilité et rythme de réflexion. Celle-ci suppose la question de la confiance.