Traditionnellement, au mois de mars, la journée de la femme est l’occasion pour beaucoup - politiques, entreprises, journalistes - de se pencher sur la situation des femmes au travail.
Pas moyen d’ouvrir un journal ou de se promener sur le Net sans tomber sur une étude, la dernière déclaration du ministre du travail, les réactions d’employeurs ...
Et puis le soufflet retombe et, crise économique aidant, on se préoccupe de bien d’autres sujets ...
Et le constat risque de ne pas être bien meilleur l’année suivante à pareille époque. Recrut a donc décidé de ne pas laisser retomber le soufflet et revient sur les constats essentiels tout en traçant les perspectives d’avenir.
Les femmes cantonnées dans des secteurs très féminisés
L’entrée massive des femmes sur le marché du travail est probablement un acquis majeur du XXème siècle.
En France, près de 80% des femmes de 25 à 49 ans travaillent et les femmes constituent désormais près de la moitié des « forces laborieuses ». En revanche, elles demeurent cantonnées majoritairement dans des secteurs très féminisés comme le secrétariat et l’entretien (voir graphique).
Inversement, on ne retrouve qu’une femme sur cinq, soit 20%, dans la population d’informaticiens ce qui inquiète les professionnels du secteur (voir encadré). Malheureusement, la tendance semble négative puisque 61% des femmes étaient employées dans les 6 catégories professionnelles les plus féminisées en 2002 contre 52% en 1983 !
Les femmes gagnent 27% de moins que les hommes !
Malgré une succession de textes de lois depuis 1983, les salaires des femmes restent très inférieurs à ceux des hommes.
D’après les derniers chiffres du Ministère du Travail, la rémunération brute totale moyenne des femmes était inférieure de 27% à celle des hommes.
Si l’on se limite aux seuls salariés à temps complet, cet écart s’élève à 19%. La différence entre les deux chiffres s’explique par le fait que plus de femmes travaillent à temps partiel, un temps partiel souvent subi en raisons du type d’emploi ou de contraintes familiales.
Nombre d’observateurs, notamment des chefs d’entreprise, attribuent ces écarts aux différences entre les emplois occupés, aux carrières interrompues des femmes... Mais l’analyse est courte car suivant la même étude du Ministère de Travail, à caractéristiques identiques (même diplôme, même ancienneté, type de contrat de travail, activité de l’entreprise ...), l’écart de salaire demeure autour de 11%. Un écart quasiment équivalent en 2002 et en 2006.
La loi du 23 mars 2006 ayant créé l’obligation pour les entreprises de supprimer les écarts de rémunération entre hommes et femmes d’ici 2010, espérons que l’année 2009 marquera enfin une inflexion dans ces tendances peu réjouissantes.
Accès aux postes de décision : le « plafond de verre » subsiste
Le dernier baromètre de Capitalcom, basé sur l’étude des outils de communication des entreprises du CAC 40 en 2008, fait apparaître un recul de la mixité dans celles- ci.
Le recul est net dans la part des femmes par rapport aux effectifs globaux des entreprises du CAC 40 (-3%) et dans la part des femmes dans l’encadrement (- 2%). Par ailleurs la mixité stagne à des niveaux très bas dans les instances de gouvernance : moins de 7% de femmes dans les Comités de Direction où ces femmes occupent essentiellement des fonctions de Communication, Ressources Humaines, ou encore Juridique, et moins de 9% dans les Conseils d’Administrations. On est loin des 40% imposés par la loi en Norvège !
Quelles actions pour améliorer la mixité et l’égalité salariale ?
Face à ces constats peu satisfaisants, le gouvernement n’entend pas en rester là.
Il a déjà légiféré par deux fois, d’abord en rendant obligatoire la négociation sur l’égalité professionnelle dans les entreprises et les branches en mai 2001, puis par la loi du 23 mars 2006 qui impose aux entreprises et aux branches de négocier sur les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes en vue de les supprimer d’ici au 31 décembre 2010.
Le Ministre du Travail, Brice Hortefeux a réaffirmé la nécessité pour les partenaires sociaux d’engager une nouvelle concertation sur l’égalité professionnelle, et a commandé à l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) une mission préparatoire dont l’objet sera de faire un bilan et des propositions.
Rendez-vous fin juin ! Et l’on reparle de sanctions, comme l’avait fait Xavier Bertrand alors Ministre du Travail, pour les entreprises entretenant la discrimination salariale ou professionnelle entre les hommes et les femmes, et ce dès 2010.
Lever les freins culturels
Lois et sanctions parviendront-elles à réussir là où elles ont déjà partiellement échoué ?
On peut en douter. Mieux vaut miser sur la levée des freins culturels qui entretiennent les discriminations.
A l’instar de l’ORSE (Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises) qui prône une plus grande implication des hommes dans les processus d’égalité professionnelle : eux aussi se sentent enfermés dans des stéréotypes masculins, eux aussi aspirent à un meilleur équilibre entre leur vie personnelle et professionnelle...
Une approche qui décoiffe et pourrait bien se révéler efficace !
Promouvoir la mixité en amont
Le taux de réussite scolaire et universitaire des jeunes femmes, supérieur à celui de leurs congénères masculins, laisserait présager de meilleurs résultats.
Mais dès la seconde, les parcours des filles et des garçons divergent. Alors que 84,7% des filles ont obtenu leur brevet en 2007 contre 78 ,7% des garçons, seules 40,6% des filles ont obtenu la même année un bac scientifique parmi les lauréates d’un bac général, contre 63,8% pour les garçons.
Il faut donc agir très tôt, au niveau des choix d’orientation et en dépassant les stéréotypes liés à certains emplois, pour améliorer la représentation des femmes dans des secteurs porteurs qu’elles délaissent aujourd’hui.
Charte de bonnes pratiques pour l’Informatique
L’Union Européenne s’inquiète de la pénurie de compétences, dans le secteur de l’informatique, qu’elle chiffre à 300 000 ingénieurs qualifiés d’ici à 2010.
Or l’informatique, notamment à des postes techniques, peine toujours à séduire les femmes. Avec seulement une femme sur cinq dans la population d’informaticiens, le constat fait par l’UE est simple : développer l’emploi des femmes permettrait de répondre plus facilement aux besoins en compétences de ce secteur.
Les entreprises ne sont pas en reste. Ainsi le 3 mars, cinq entreprises (Microsoft, Orange, Alcatel-Lucent, Motorola et Imec) se sont engagées à Bruxelles sur l’application d’une charte européenne de bonnes pratiques. Les premières étapes seront de rendre les filières d’enseignement plus attractives, et de favoriser le recrutement et la promotion professionnelle des femmes.
La charte liste également plusieurs recommandations destinées à faciliter la conciliation entre travail et vie de famille, comme le télétravail et des aménagements horaires.