On le sait et le répète chaque année à l’occasion de la semaine pour l’emploi des personnes handicapées (du 14 au 20 novembre 2016) : les entreprises peinent à atteindre le quota de 6 % d’employés en situation de handicap. Alors que le chômage connaît un reflux sur la population générale, le nombre de personnes handicapées sans emploi a au contraire bondi de 5,4 % en un an pour s’établir à 486 258 (soit 8,4 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi).
Malgré tout, les professionnels de la question notent quelques évolutions positives, notamment dans la perception du handicap. La deuxième édition du baromètre de l’emploi des personnes handicapées (IPSOS marketing) permet de rendre compte de cette situation contrastée.
Une large majorité de répondants, valides comme handicapés, estiment que le handicap reste un fort levier de discrimination dans le processus de recrutement. A compétences égales, ils sont entre 78 et 89 % à estimer que le candidat valide sera recruté en priorité. De manière surprenante, seuls 10 % des sondés en situation de handicap estiment avoir été victimes de discrimination directe de la part de l’employeur ; ils sont même 40 % à n’avoir rencontré aucune difficulté particulière avec leur candidature. Les principaux freins à l’insertion professionnelle des personnes handicapées est donc ailleurs : dans la concurrence avec les candidats actifs et la compatibilité du poste avec le type de handicap.
Outre le recrutement, le handicap pose également la question du maintien dans l’emploi. Malgré une évolution très positive (+ 30 % en deux ans), la France est très largement perçue comme en retard sur la question de l’intégration de ses actifs particuliers, notamment concernant l’accompagnement sur le lieu de travail et l’aménagement des locaux ou postes de travail.
> La formation. Le recrutement des candidats handicapés est moins entravé par leurs capacités physiques ou mentales que par leur niveau de formation. Selon l’INSEE, 80 % des personnes en situation de handicap ont un niveau inférieur au bac ; elles sont également quatre fois moins susceptibles de recevoir une formation professionnelle. La situation de l’apprentissage est préoccupante : en recul de 3,7 % sur la population globale, il connaît un effondrement de 11 % chez les jeunes handicapés.
> Le respect de la loi. Seules 29 % des entreprises privées respectent le quota de 6 % de collaborateurs handicapés par des recrutements directs ; en comptant la sous-traitance, le résultat monte à 40 %. Encore très insuffisant, mais les avis divergent sur les moyens à mettre en œuvre pour motivés les entreprises. Si les actifs préconisent un renforcement des partenariats entre entreprises et handi-structures, les sondés en situation de handicap plaident quant à eux pour un renforcement de la taxation en cas de non-respect de la loi.
> L’insertion en milieu ordinaire. Pour les entreprises, atteindre le quota rime de plus en plus avec recourir à la sous-traitance de structures spécialisées du type ESAT. Si le taux d’activité et le maintien en emploi s’améliorent, l’insertion en milieu ordinaire se dégrade. Motivés par la loi de 2005 qui leur promet les mêmes chances que n’importe quel salarié, les jeunes handicapés renâclent à travailler en ESAT [voir encadré], qui voient par conséquent leur moyenne d’âge augmenter. Faire sortir les travailleurs handicapés des milieux spécialisés est une nécessité pour remotiver ces derniers et développer la confiance des employeurs.
Globalement, un sentiment de mieux semble entourer la question de l’emploi des personnes handicapées. Le ressenti va plus dans le sens d’une amélioration chez les valides (36 %) comme chez les handicapés (29 %) que d’une dégradation (2 % et 8 % respectivement).
Plus de dix ans après l’adoption de la loi sur l’insertion des handicapés de 2005, certains couacs se font encore sentir : manque d’outils pour contrôler le respect des quotas des entreprises, manque de passerelles entre les handi-organismes et Pôle Emploi (d’où l’absence de suivi mensuel des chiffres du chômage des handicapés)…
A chacune de ses interventions sur le sujet, Patrick Gohet (adjoint au Défenseur des droits et figure de longue date de l’égalité entre valides et handicapés) rappelle cependant que le handicap reste la deuxième cause de réclamations auprès du Défenseur ; 80 % de celles-ci portent sur la question de l’emploi. Pour encourager les entreprises à se montrer davantage proactives, une recommandation est en préparation pour une présentation d’ici la fin de l’année ; les pouvoirs publics semblent donc prêts à s’emparer de cette problématique. P. Gohet regrette toutefois que si tous les candidats à l’élection présidentielle de 2017 font de l’emploi une question prioritaire, pas un ne mentionne la question spécifique des handicapés.