Depuis quelques années, l’humain s’inquiète de la montée en puissance des technologies informatiques réalisant certaines de « ses » tâches. Le travail est en mutation, c’est certain, mais se réduira-t-il ? Pas forcément.
Les programmes informatiques rivalisent avec le cerveau humain. C’est, en tout cas, la croyance répandue. Depuis les débuts de l’informatique à la moitié du 20ème siècle, celle-ci évolue constamment, notamment avec l’apparition de l’expression « Intelligence artificielle » (IA) en 1956. Après l’impact du numérique, place aux plateformes et à l’exploitation des données. Notre peur de l’IA nous renvoie à celle de Big Brother, à la déshumanisation (du travail et de la vie). La preuve ? Seulement 44% des gens se disent prêts à travailler avec l’IA…
Ce qui inquiète
Outre l’existence un poil perturbante de robots nous ressemblant de plus en plus – voyez Sophia, inspirée d’Audrey Hepburn – et la place qu’on leur donne (Sophia possède la citoyenneté en Arabie Saoudite, où elle fut créée et présentée), c’est leur capacité d’apprentissage qui nous effraie.
Capable non seulement de stocker une énorme quantité de données, l’IA apprend également seule. Ce qu’on appelle le « deep learning ».
Conséquence : certains emplois automatisables disparaissent ou le seront bientôt. Inéluctablement.
Les exemples les plus évidents à l’heure actuelle sont les métiers du transport (routier, livreur), du service client (conseiller bancaire, caissier) et ceux de la santé le seront bientôt (chirurgien, dentiste, orthodontiste). Victimes du système d’aide à la conduite autonome (Google, Uber, Tesla, Renault, Peugeot), de l’assistance client automatisée (chatbot, algorithme prédictif) ou de l’analyse et exécution sans faille d’un soin (radiologie, examen complet, bras robotisé), ces emplois sont supposés devenir, à terme, de meilleure qualité lorsqu’exécuté par un robot.
Or, ces domaines pèsent lourd dans le PIB français : 6% pour la santé, 4,8% pour les transports ou 4,1% pour les banques de détail.
Ce qui rassure
Ou ce qui devrait nous rassurer, tout au moins. L’intelligence artificielle, en prenant en charge les tâches les plus fastidieuses et répétitives, nous permet de travailler avec moins de stress, de fatigue (physique, nerveuse).
La productivité s’en trouve grandement améliorée, pour l’entreprise et l’employé. Un astronome, par exemple, posera beaucoup moins d’opérations mentales (anticiper des comètes, prévoir des éclipses, etc) et divisera le temps dédié à cette tâche par 100 ou 1 000. L’intérêt ? Qu’il ait du temps pour réfléchir, être créatif, trouver de nouvelles solutions, faire évoluer son métier. Ou l’avocat qui laisse la synthèse des lois à l’IA pour se concentrer sur l’analyse juridique fine. Ainsi, on ne parle pas seulement d’améliorations quantitatives mais aussi qualitatives.
Par ailleurs, l’IA peut aussi amener à la création de nouveaux métiers. Dans les transports, des emplois seront ainsi créés dans l’entretien, la gestion de flotte ou l’accompagnement des passagers.
Lorsque la robotisation de certaines tâches se fait intelligemment, elle provoque des effets positifs. L’industrie automobile allemande, une des plus fortement robotisées au monde, le montre : avec 800 000 salariés en 2016, elle en compte 100 000 de plus qu’il y a vingt ans. Et la France, elle, ne compte que 440 000 salariés dans ce domaine. De façon plus générale, le risque d’automatisation concernerait de 10 à 15% des métiers .
Ceux de l’artisanat, notamment, où la créativité et l’improvisation occupent une place importante, ne peuvent être remplacés. Copiés oui, mais remplacés, non. Les hominidés comptent 7 millions d’années d’expérience, l’intelligence naturelle (planète, plantes, etc) 4 milliards, donc « notre » base de données reste inégalable. Et comme le souligne Idriss Aberkane, le test ultime de l’intelligence, celui de la survie, reste un problème pour le robot. Pas pour l’humain.
Ce qu’il faut faire
Partons du constat que le cerveau humain reste toujours nécessaire et, surtout, le meilleur pour ce qui relève de l’analyse, l’interprétation. Selon le Dr Laurent Alexandre, médecin et auteurs d’essais sur l’IA dont « La guerre des intelligences », il faut donc « privilégier le français, les langues, l’histoire ». Et investir dans la recherche ! La France doit y allouer beaucoup plus de moyens qu’à l’heure actuelle, notamment pour la rémunération des chercheurs si l’on veut éviter la fuite des cerveaux, vers les Etats-Unis en majorité. Si le public doit agir, le privé aussi : les investissements dans les startups en IA n’ont entraîné que 278 millions d’euros de levées de fond en France en 2016, tandis qu’ils atteignaient 581 M€ en Grande-Bretagne. Voilà pour l’urgent, le court-terme.
Et le long-terme ? Nous en revenons à l’éducation, point central trop souvent ignoré ou relégué au second plan. Selon le mathématicien Cédric Villani menant une mission sur l’IA confiée par le premier ministre Edouard Philippe, « nous ne sommes pas dans le top 5 » et il va falloir réagir. Et ce dernier proposait, dans son rapport, trois axes pour répondre aux enjeux soulevés par l’intelligence artificielle en matière de travail :
L’intelligence artificielle, un enjeu global
Ainsi, le vrai danger consiste en fait à accuser trop de retard sur la concurrence. Ce qui s’avère être le cas de la France face aux Etats-Unis (et son GAFA) et la Chine (et son BATX)…
Les métiers évoluent, certains disparaissent et d’autres naissent, comme lors de toute révolution technologique. Si les employés devaient y perdre, ce serait parce que leurs structures (Etat, employeurs) n’ont pas su prendre le bon tournant. Cette perte de rang scientifique deviendrait ensuite économique, puis militaire et enfin géopolitique.
Ce qui faisait dire à Vladimir Poutine : « Celui qui dominera l’IA dominera le monde. » Une déclaration dont nous n’avions pas vraiment entendu parler…