Après celle des salariés et avant celle des demandeurs d’emploi, la Ministre du Travail Muriel Pénicaud entend bien secouer la vie des apprentis par une réforme présentée comme une « révolution copernicienne » et qui devrait être votée au printemps 2018.
Inspiré du rapport Brunet rédigé par France Stratégie, le texte s’articule en 28 points : dix en faveur des jeunes, dix en faveur des entreprises, et huit de modification du fonctionnement technique.
Pour renforcer l’attractivité de l’apprentissage auprès des jeunes, le gouvernement mise avant tout sur le caractère rémunéré de cette voie de formation. C’est pourquoi il souhaite augmenter leur pouvoir d’achat, notamment en revalorisant le salaire des apprentis âgés d’entre 16 et 20 ans d’une trentaine d’euros nets par mois [mesure 1]. Les apprentis majeurs pourront quant à eux bénéficier d’une aide de 500 € destinée à passer le permis de conduire. Contrairement à l’aide similaire déjà existante pour les demandeurs d’emploi, celle-ci sera inconditionnelle : le jeune pourra donc en bénéficier quelles que soient ses ressources, sa région ou la distance qui le sépare de son entreprise ou de son centre de formation [mesure 2]. Par ailleurs, la ministre Muriel Pénicaud déclare vouloir lancer, avec l’aide des régions, une grande négociation auprès des auto-écoles afin de réduire le prix du permis pour les jeunes. Objectif : que l’aide de 500 € représente, partout sur le territoire, au moins 50 % du prix total de l’examen. Cette deuxième mesure entend faciliter la recherche d’entreprise en favorisant le recours à la voiture. Mobilité toujours, mais à plus grande échelle : 15 000 apprentis (soit plus du double qu’actuellement) par an pourront bénéficier du programme Erasmus et réaliser six mois de leur cursus dans un pays membre de l’Union européenne [mesure 10]. De quoi valider les échanges menés à valeur de test avec l’Allemagne depuis deux ans.
Souvent perçue comme complexe, l’apprentissage va également faire preuve de pédagogie, avec la mise à disposition des jeunes et de leur famille des résultats (taux de diplôme, d’insertion) des différentes centres de formation et lycées professionnels [mesure 5]. « Chaque famille et chaque jeune pourra ainsi choisir sa formation de façon documentée, éclairée et transparente », estime ainsi le gouvernement. Des journées d’informations pluriannuelles sur les métiers et les métiers et les filières seront organisées de la classe de quatrième à la première [mesure 6] et des « prépa-apprentissage » seront instaurés pour les élèves intéressés par cette filière mais ne disposant par des compétences attendues [mesure 4]. Il s’agit de réduire les ruptures de contrat, nombreuses, motivées par le manque d’adéquation entre le profil des alternants et les attentes de l’entreprise.
La formation en alternance va également s’assouplir, afin d’éviter au maximum les frustrations et les échecs, le gouvernement ouvre les vannes : l’âge limite est repoussé de 26 ans actuellement à 30 ans [mesure 7]. Les apprentis entre 26 et 30 verront leur rémunération s’aligner sur le contrat de professionnalisation, c’est-à-dire au niveau du SMIC. Par ailleurs, les apprentis dont le contrat est interrompu en cours d’année ne perdront plus leur année mais pourront poursuivre leur formation pendant six mois supplémentaire au sein de leur CFA [mesure 3].
Enfin (et surtout), le financement de la formation sera sécurisé. En effet, les CFA seront désormais financés selon un mode de calcul simple : un contrat (entre un élève et une entreprise) donne lieu à un financement [mesure 8].
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Lorsque l’on interroge les chefs d’entreprise sur les freins à la formation d’un apprenti à leurs côtés, les réponses se concentrent généralement autour de deux thématiques : la complexité administrative et la difficulté à trouver des jeunes alliant savoir-faire et savoir-être. C’est donc très logiquement que le gouvernement a axé ses mesures en faveur des entreprises avec, tout d’abord, la fusion des aides. Financées par l’Etat mais versées par les régions (qui pourront choisir de les abonder), elles cibleront les TPE-PME, principales employeuses d’apprentis, et les contrats niveaux bac et pré-bac.
Le recrutement pourra désormais se faire tout au long de l’année, sans tenir compte des contraintes du calendrier scolaire. Le jeune sera donc affranchi de la peur de ne pas trouver son entreprise avant la date limite et le maître d’apprentissage, de celle de ne pas réussir à faire coïncider ses besoins avec les impératifs de l’école. A l’instar de l’embauche, la rupture de contrat sera également allégée : exit le passage préalable aux Prud’hommes après 45 jours d’activité. La séparation pourra désormais s’opérer par commun accord, pour faute grave ou en cas de force majeur et avec l’aide de « dispositifs de médiation ». La nature de ces derniers n’est pas encore précisée et la ministre souligne que l’apprenti pourra encore, comme n’importe quel salarié, contester cette rupture devant un tribunal prudhommal. Rappelons ici que la loi prévoit qu’une rupture de contrat n’entraîne plus nécessaire la perte de l’année en cours pour l’élève.
Enfin, la réforme entend rapprocher les cursus des réalités des entreprises, tout d’abord par la réécriture des programmes (en association avec les branches professionnelles) mais surtout par l’assouplissement de la réglementation sur le travail des apprentis. Ces derniers pourront désormais travailler plus tôt (dès 5h au lieu de 6h) et plus longtemps (40h hebdomadaires au lieu de 35h), afin d’aligner leurs conditions de travail sur celles de leurs collègues et ainsi favoriser leur insertion. Cette mesure vise en particulier les secteurs de la boulangerie et du BTP, dont les horaires particuliers freinaient le recours à l’apprentissage.
Enfin, et sans plus de précisions quant à la forme ou au calendrier, M. Pénicaud annonce la mise en ligne de plateformes d’aide au recrutement, de mise en relation des entreprises et des jeunes en recherche sur une région et un secteur d’activité communs.