Après l’inconscience consumériste des Trente Glorieuses, l’Homme semble atteindre l’âge de raison. Production et consommation se veulent aujourd’hui raisonnées et raisonnables ; le consommateur rejette sa passivité d’antan pour devenir « consomm’acteur ».
Suite logique de toute cette bonne volonté, l’économie circulaire a le vent en poupe et constitue une mine (inépuisable, elle) d’emplois.
Le mode de consommation actuel pose deux soucis sur le long terme : l’épuisement irréversible des réserves en matières premières et l’accumulation exponentielle des déchets. En s’engageant dans une transition écologique lors de la conférence de Rio en 1992, la France s’est engagée à réfléchir à ces deux problématiques. Il a toutefois fallu attendre le 17 août 2015, date de la promulgation de la Loi de transition énergétique, pour que la notion d’ « économie circulaire » fasse officiellement son apparition. Conceptualisée au début du XXIè siècle face à la montée parallèle des prix des matières premières et des préoccupations environnementales, elle consiste à « dépasser le modèle économique linéaire » et « fermer la boucle » de la consommation.
En clair, il s’agit de sortir du cycle de vie classique d’une ressource (l’extraire, la transformer, la consommer et la jeter) pour parvenir à une consommation durable et responsable. L’économie circulaire englobe donc plusieurs types d’activité, parmi lesquels le recyclage (traitement) bien sûr, mais également la location (optimisation), la réparation (lutte contre l’obsolescence programmée) et le commerce de proximité (réduction des transports et intermédiaires). Contrairement au recyclage, l’économie verte n’intervient donc pas qu’en fin de parcours, mais tout en long de la vie du produit. Il s’agit donc non plus uniquement de concevoir des produits faciles à recycler, mais surtout susceptibles d’être réutilisables, réparables, démontables. « Nous préconisons de suivre le modèle de la nature », résume Anne de Béthencourt (Vice-Président de l’Institut de l’Economie Circulaire). « La nature ne produit pas de déchets, toute matière est une ressource. »
> Pour plus d’informations, se reporter à la note d’analyse n°46 « L’économie circulaire, combien d’emplois ? » de France Stratégie, avril 2016. |
Contrairement à l’économie verte dont les contours sont parfaitement délimités [voir notre article sur le sujet], le périmètre de l’économie circulaire est encore flou, rendant difficile l’estimation des professionnels concernés. L’Ademe (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) liste cependant sept secteurs que sont : l'approvisionnement durable, l'écoconception, l'écologie industrielle et territoriale, l'économie de fonctionnalité, la consommation responsable, l'allongement de la durée de vie des objets, le recyclage et la valorisation des déchets. En se fondant sur cette définition, on peut estimer le poids de l’économie circulaire à 800 000 emplois ETP (équivalents temps plein).
Nombreux sont cependant les spécialistes à souligner le formidable développement auquel est promis le secteur au cours des prochaines années, porté à la fois par un accroissement de la demande et l’adaptation des technologies. L’uberisation est ainsi une formidable opportunité qui, en mettant les particuliers directement en relation les uns avec les autres, favorise le raccourcissement des canaux de consommation, les réparations et locations. Il est donc possible, bien que difficile à évaluer, que les emplois circulaires de demain découlent d’une professionnalisation des « employés du dimanche » qui caractérise aujourd’hui les services entre particuliers.
Néanmoins, la hausse des effectifs proviendra également des « réallocations sectorielles » entre les activités gourmandes en matières premières (en recul) et celles qui visent à en réduire la consommation. Une redistribution aussi durable que les modes de consommation qu’elle défend, puisque les emplois dont il est question ne sont pas délocalisables. De quoi justifier, les associations l’espèrent, un changement d’attitude auprès des responsables politiques. C’est en tout cas ce qu’espère Nathalie Mayoux (secrétaire générale du réseau des Ressourceries, dédiées à la réparation), qui dénonce un recul du petit artisanat de proximité, rarement valorisé dans les cursus scolaires. Aussi, faute de cordonniers, de couturiers, de menuisiers, il reste difficile de motiver les consommateurs à réparer plutôt que jeter alors que la poubelle de la cuisine est si près.